Rebel with a cause.Coup de foudre à la Kasbah."Enfants souflant dans capote". +Bizien,"jeune Breton"

Je tombe à la télé sur un vieillard que je ne connais pas, son franc-parler me fait rester et je me mets à rêver d'avoir la même énergie et présence d'esprit si j'arrive à vieillir.

Je ne le connaissais hélas pas du tout. Mes grands-parents auraient sans doute encore honte de moi. L'autre jour, j'entendais moi-même à la radio des collégiens organisant une fête de fin de troisième et j'haussais les yeux au ciel car ils ne savaient pas qui était "Alain Delon", sauf une des élèves expliquant à l'autre: tu sais, "le beau mec, et la piscine, entouré de filles..." ( Podcast: Les pieds sur terre, le bal du collège).

Je suis tombé sur ce doc en zappant sur la chaîne Toute l'Histoire, mais je découvre après qu'il est déjà passé sur France Télévision ; je l'ai repris plus tard depuis son début.

Mon texte n'est pas une critique mais juste quelques infos saisies avant que j'oublie; le doc et la vie de ce Jacques Hébert sont plus riches:

• je suis tombé au moment où ce vieillard assis sur un fauteuil racontait avoir croisé dans "une kasbah" une fille dont il tombe "amoureux de suite"...c'était un "coup de foudre"...il la revoit...est autorisé à l'amener mais quand il revient, il raconte être amusé que "le père se cachait derrière un arbre" pour vérifier que sa fille rentrait à l'heure..."mais comme elle était Protestante, et moi Catholique"...pour les familles, ce n'était alors encore pas possible. Il est mobilisé ailleurs, ils s'écrivent mais la vie les sépare.

• Ils se sont écrits "toute leur vie"...et le dernier fils qu'elle a eu "s'appelle Jacques/ot" raconte encore ce Jacques Hébert.

• je vois ce vieil homme racontait qu'enfant/ado/étudiant, sa famille a fait partie des gens qui ont fui Paris pendant la Seconde Guerre Mondiale; ils sont allés en province dans la zone libre mais avec ses jeunes amis, ils se co-motivent et co-décident d'aller en Angleterre.

• cette décision d'aller en Angleterre m'a alors rappelé le film Alias Caracalla Au Coeur de la Résistance, où on voit Daniel Cordier, futur aide de Jean Moulin prendre en Province la même décision sous le coup de la colère. Je n'avais pas compris que ce vieillard que je regardais avait été résistant: ce n'est pas écrit sur sa tête.

• il raconte avoir croisé "Charles De Gaulle" le jour où il signe à Londres: "vous allez voir du pays". Je conseille de faire pause pour bien lire le document et ses signatures: le documentaire n'est pas qu'un interview. Sont montés à l'image des documents et archives.

• à Londres, il veut rentrer dans l'aviation militaire et devenir pilote mais on leur explique que le temps qu'ils soient "tous envoyés au Canada et apprennent à voler, la guerre sera finie" alors ils sont affectés "aux chars". Ils ne voulaient pas car savaient que ce serait "plus dur" et plus militaire. Ce qu'ils ne sont pas par nature; ce sont des étudiants.

• lui et ses copains sont étudiants (et pas costauds), donc ils souffrent à l'entrainement en Angleterre aux mains "de la Légion et des Anglais": à ce moment de son interview, j'ai eu des images de Bourvil dans le mur de l'Atlantique ou l'entrainement des deux lopettes à lunettes dans La folle histoire de Max et Léon.

• ils prennent enfin la bateau avec De Gaulle et se dirigent vers l'Afrique: je n'ai pas bien compris et irai voir mais ils n'ont pas pu "débarquer à Dakar", sans doute encore trop Vichyssois. (cf. Bataille de Dakar )

• ils débarquent alors plus bas où toutes les colonies deviennent résistantes quasi "sans combat".

• ils n'ont alors quasi rien à faire...il a "un jour de permission". Il choisit d'aller "à la chasse aux papillons". La région est magnifique; il y a "des chutes d'eau". Ses amis décident d'aller au bordel. "Moi de gauche, je ne pouvais pas...il y avait des enfants qui gonflaient des capotes...le soir des légionnaires rataient le bateau...tombaient à l'eau".

• ...puis on est remontés. A notre premier combat, nous n'étions pas prêts et/ou pas commandés. Un massacre. On a perdu 5 chars sur 6. (ce ne sont pas ses mots exacts)

• "Mon cousin a eu la colonne vertébrale coupée. D'autres brulaient dans les chars." ...dans les chars, ce n'est pas "une belle mort". Hébert est blessé aux jambes.

• Puis reprend les combats. "Leclerc piquait des colères mais s'excusait après". ( cf. Philippe Leclerc de Hauteclocque )

• "ils avaient besoin de nous, ils le savaient", on auraient pu rester en Angleterre... alors il n'y avait pas toujours la discipline dure mais du respect. C'était moins formel.

• après la Syrie, il fait partie de ceux qui arrivent à Paris avec Leclerc...finalement "pas un bon souvenir" du tout car j'ai vu des combats à Paris aussi, des poches de résistance notamment à La Concorde où "le char de Bizien" a repéré un "char allemand", s'en est tellement approché que le canon du char Allemand dépassait le char français qui a pu alors lui tirer à bout portant: "Bizien est sorti de joie pour fêter sa réussite les bras en l'air", il a été abattu de suite.

...dans les heures qui ont suivi, le char détruit par mon camarade a été tagué "détruit par les "F.F.I": ce graffiti voleur faisant croire que les forces de l'intérieur avait détruit ce char..."on les voyait soudain apparaître", beaucoup de la dernière heure, ils "agitaient des pistolets de sacs de Dame" ...car "tout le monde est devenu FFI ( cf Forces Françaises de l'Intérieur)"...""...il y a que nous qui n'étions pas F F I" .

• Grâce à ce doc , je vais voir qui peut bien être ce "Bizien" abattu juste après avoir détruit un char Allemand en plein Paris: "Marcel Bizien a participé à presque toute la campagne du Général Leclerc : le Tchad, Koufra, l'Egypte, la Libye".
• et je vois qu'il faisait (presque comme moi) "1m84", ce qui dans un char, ajoute à l'exploit
• la taille de ce jeune Breton de 23 ans étant le seul point commun et encore je mens puisque j'ai bien rétréci...je mens comme le FFI qui s'est attribué la destruction du char à La Libération:

"Une plaque à l'angle de la rue des Tuileries et de la rue de Rivoli rappelle aujourd'hui le sacrifice de Marcel Bizien pour la République"( www.letelegramme.fr )

à la Libération, il y avait aussi ce que Jacques Hébert appelle: "les Naphtalinards"; des types qui ont sorti de leur placard à la dernière minute leur uniforme et "tentent de nous donner des ordres"...et par exemple, réclament "qu'on les salue"...ce que nous ne faisions plus , surtout parmi les Anglais (la Naphtaline était couramment utilisée comme antimites dans les placards; les vêtements et donc uniformes laissés trop longtemps dedans, en portaient l'odeur).

"Nous étions couvert de mazout donc je fais partie des rares qui peut affirmer s'être baigné (et lavé) dans le bassin des Tuileries" (en dépit de "la protestation du gardien"). Je cherche les photos qu'on voit dans le doc mais en hommes nus, le jardin en est parsemé d'autres et je découvre que des murs protecteurs de statues avaient à la hâte été montés pour éviter (parfois en vain) la casse de chefs d'oeuvres dont le 'Prométhée' de James Pradier, "désormais exposé au Louvre" (cf. un Douglas Siler et Philippe Dumoulin dans www.jamespradier.com )

• après la guerre, il reprend ses études de médecine à Caen mais un directeur départemental (surnommé "DDT") l'empêche de passer le concours car "votre casier judiciaire n'est pas vierge"...il faisait allusion aux condamnations de Vichy...pourtant annulée...le pire est que ce directeur (resté "Vichyssois", que j'ai "couvert de tous les noms") va "épouser une de mes cousines et je me retrouve" proche de lui "au mariage"..."je ne lui ai jamais reparlé".

• il déménage à Cherbourg où il est abasourdr par "l'état de certains quartiers et conditions de vie"...il dit ne pas faire payer tout le monde...il dit qu'il paye pour des billets de train pour Paris de patients sans moyen ayant besoin de spécialistes...il dit que certains collègues médecins ne sont pas d'accord: "tout travail mérite salaire". Il dit qu'il est considéré comme "asocial" car mène vie simple et ne se mêlerait pas à ses collègues.
• et je découvre alors que par un concours de circonstances et des infos qui me manquent, il se présente comme maire, et je découvre alors que ce vieillard cash et direct que j'écoute depuis le début a été ELU maire de Cherbourg, pendant des années!
• je l'écris mal mais j'ai été surpris d'apprendre que ce soldat assez rétif à l'autorité, grande gueule et pas des plus diplomates, a été Maire des années. Plus tard, je découvre qu'il sera même député.
• ami de Pompidou
• lors d'une visite de De Gaulle, Hébert s'exprime plutôt pour l'entrée de l'Angleterre dans le marché commun, genre "ça arrangeait les affaires de Cherbourg", alors que De Gaulle était contre. Il décrit alors une mini scène de film qui me rappelle Quai d'Orsay de Tavernier/Blainvoire une scène écrire par Armando Iannucci, ou de Ridicule de Patrice Leconte, car De Gaulle aurait dit tout haut , un peu à la cantonade, mais le pointant aussi du doigt, étendant son grand bras, façon Invasion des Profanateurs, un truc du genre: _"ils sont parmi nous, voila le genre dont il faut se méfier"...Jacques Hébert n'aurait jamais été invité à nouveau à Paris.
• il crée le premier jumelage avec une ville Allemande, trois ans avant que De Gaulle et Adénauer se rapprochent et "engagent la réconciliation et la coopération franco-allemande".
• pour ce premier jumelage avec une ville Allemande, il reçoit des insultes, menaces et lettres: dont l'une d'un prof qui n'avait jamais combattu, vu de combats et d'Allemand de sa vie, mais ne "voulait pas en voir à Cherbourg" .
• ça me rappelle, qu'après la Libération de Paris, il nous rappelle que "la guerre n'était pas du tout finie": il a continué vers l'est et l'Allemagne en char. Il a croisé "des femmes tondues, qui avaient été battues", fortes dont on voyait le poitrail..entourées d'hommes faisant justice...alors son commandant, outré aussi de cette violence facile, s'est dit avec un air complice envers ses hommes, "que ça en ferait de bons soldats", sous entendus 's'ils sont si courageux et volontaires', et il les a tous embarqués/embauchés.
• arrivés en Allemagne, à un moment, dans une très belle région, en direction du chalet d'Hitler, ils se font tirer dessus d'un autre chalet au loin...avec ses chars, "on tire une bombe incendiaire, même avec un mètre de neige sur le toit, le chalet prend feu, des hommes en sautent", on les abat de la route...j'envoie mes hommes...untel revient, "je n'oublierai jamais son visage et sa détresse"..." ce sont des enfants"...
• lui et son frère sont un des rares "compagnons de la Libération". C'est un ordre fermé qui a son musée. Il en était le dernier. Il pensait ne pas "le mériter" plus qu'un autre car il pensait ne pas avoir combattu tant que ça et il n'était pas si "bon soldat": blessé. Trop modeste. Il s'est engagé, a fait des préparations militaires. Faits incontestables, donc bien suffisants.
• "Né en 1920, mort en 2018... Après ses études de médecine... maire, à l'âge de 38 ans, en 1959, et jusqu'en 1977. Et comme député de la Manche de 1962 à 1973"
• "Nous connaissions de réputation l'ancien médecin qui osait aller dans des quartiers insalubres que fuyaient ses confrères. Nous savions que l'ancien maire de Cherbourg jouissait toujours 40 ans après d'une estime générale y compris de la part de ses adversaires". "Au-delà de l'histoire de Cherbourg, Jacques Hébert participa aussi, plus largement, à celle de la Normandie, de la France et de sa libération". "Nous connaissions quelques-unes de ses actions d'éclat comme la création du 1er jumelage franco-allemand d'après-guerre. Mais ce que nous avons découvert, lors d'une rencontre fortuite, c'est à quel point il avait conservé une mémoire extraordinaire de ses multiples campagnes de 1940 à 1945, de sa réinsertion dans la France de l'après-guerre, de ses combats politiques et sociaux en tant que médecin puis maire et député.
• Réalisation : Thierry Durand
• Production : Almérie films. "DOCUMENTAIRES DE CREATION AUDIOVISUELS DEPUIS 2012
• (Coproduction: André Guéret productions / Productions de la grande vallée / France 3 Normandie)
• 3 citations:

"Si j'avais pas été catholique, j'aurais été communiste"..."d'autant plus qu'à la Libération, j'aurais voulu tuer tout le monde" (ce sont ses exacts bons et beaux mots verbatim)...je ne pouvais "pas accepter de croiser après" les même qui avaient "servi Vichy". Surtout "les Magistrats qui m'avaient condamné à mort, étaient les même condamnant à mort" les collabos.

Tous les français qui sont allés en Angleterre ne "se sont pas engagés". Beaucoup "ont fait leur beurre". Et les anglais ont aussi été "très chics avec eux" et aussi accueillant qu'avec nous, les engagés.

J'ai été un bon maire mais mauvais député. J'ai préféré le mandat de maire à celui de député. Le maire "est l'âne de la ville", qui sert à tout et tous. D'ailleurs, dans certains endroits, le maire était JUSTE choisi en fonction de sa possession ou non d'une voiture...