Devant Jawbreaker, on hésite un temps entre la parodie bizarre des teen movies utilisant les codes du thriller pour mieux dénoncer l’artificialité des personnages et des situations qu’ils représentent, et la fausse bonne idée qui d’emblée ne tient pas la route et que le réalisateur tente de farder par moult effets cheap. Le générique annonce en effet un film se livrant à l’autopsie de la culture adolescente américaine, puisque le processus de fabrication du bonbon responsable du décès nous est exposé en détails ; il n’en sera rien, l’opportunisme prend le dessus malgré une certaine justesse dans la retranscription de la mentalité lycéenne, de ses préoccupations et de sa cruauté – « on est au lycée, alors qu’est-ce que c’est qu’une amie ? ».
Il y a ici un grave problème de cohérence, le long métrage avançant par des ruptures de tons permanentes qui occasionnent une disharmonie d’ensemble. L’esthétique très colorée, aussi collante et aguicheuse que les sucreries alors à la mode, se complaît dans la bêtise de ses personnages, fantoches décervelés auxquels le réalisateur tente maladroitement de donner des sursauts de conscience – qui ne sont, en réalité, que des clichés supplémentaires, tel ce couple s’embrassant sur fond de soleil couchant. Ironique ? Oui mais ironique de quoi ? Donner à voir l’idiotie n’empêche pas une œuvre d’être idiote à son tour, faute d’avoir quelque chose à en dire.
Par ses partis pris artistiques, par ses incursions dans le surnaturel, par la punition ultime de la fautive, Jawbreaker pourrait se situer du côté de la fable, mais d’une fable sans morale et vulgaire qui finit par conforter le lynchage de la reine du bal devenue outsider. L’engrenage comique et tragique – du moins pensé ainsi – ne fonctionne pas, les stéréotypes de la fille sexy et fatale, au lieu d’être dénoncés, se voient confortés avec complaisance. Un film raté.