Les faits se déroulent en 1948 dans le nord de l'Allemagne. Une jeune veuve de guerre, Margarete Oelkers (Nadja Uhl) vit difficilement de son travail de couturière avec ses deux fils à Oldenburg. Elle attend de toucher la pension de veuve de guerre à laquelle elle a droit. En butte aux tracasseries de l'administration, elle est prise d'une colère bien légitime lorsqu'elle est rembarrée une nouvelle fois alors qu'elle a rendez-vous. Le docteur Ahrens, l’ancien responsable de son époux mort au front, qu'elle considérait comme pouvant l'aider, la fait abusivement interner pendant un an dans un hôpital psychiatrique pour schizophrénie. A sa sortie, un an plus tard, après avoir subi des traitements inhumains (bains glacés, électrochocs...), Margarete décide de prouver qu’elle n’était pas malade. Elle découvre bientôt un effroyable secret concernant l'hôpital où elle a été internée et, par la même occasion, les raisons de son internement abusif : l’hôpital a servi de « camp d’extermination civil » pour plus de 1500 « malades » qui y ont subi les pires traitements et qui y ont été affamés jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le mari de Margharete, qui connaissait ces faits, avait consigné les noms, dates et motifs de ces décès dans un carnet qu’elle possède. La faire passer pour folle était une manière pour le Dr. Ahrens, un notable respecté de la ville, de lui imposer silence.
Récompensée en 2001 par l’équivalent allemand du César du meilleur réalisateur pour "alaska.de", son premier long métrage, la cinéaste Esther Gronenborn s’est inspirée de faits réels pour raconter dans ce film l’histoire de sa grand-mère et aborder une lourde page du passé de l'Allemagne hitlérienne : la politique eugéniste mise en œuvre par les nazis et l’extermination massive des malades et des handicapés mentaux qu'ils décidèrent. Primée à de multiples reprises au cours de sa carrière, l'actrice Nadja Uhl ("La bande à Baader") interprète avec une conviction sans faille le rôle de cette veuve que rien ne pourra faire taire.
Ce film est basé sur des faits réels. Il dénonce un crime majeur mais méconnu des nazis, celui de l’extermination de 300.000 victimes prétendument malades mentales dans des conditions abjectes puisque les plus chanceuses étaient purement et simplement exécutées par injection létale alors que d’autres étaient affamées jusqu’à ce que mort s’ensuive, ce qui était le cas de « l’hôpital psychiatrique » de Wehnen à Oldenburg. Après la guerre, la justice allemande a condamné une minorité de responsables mais n’a aucunement inquiété la majorité de ceux-ci. Certains, comme que le professeur Werner Catel, un des principaux responsables de l’« euthanasie des enfants », s’est même vu confier en 1954 une chaire de professeur de pédiatrie à Kiel. En 1964, il continuait même à affirmer « qu'il naît chaque année presque 2000 enfants « idiots », qui en raison de leur maladie congénitale ou handicap devraient être tués ». En 1981, l'université de Kiel écrivait dans son annonce mortuaire que Catel « a[vait] contribué de nombreuses façons à la santé des enfants malades » !
Pour en savoir plus on peut se référer à l’article publié par Gerrit Hohendorf, L’extermination de malades et handicapés mentaux sous le régime national-socialiste , Violence de masse et Résistance - Réseau de recherche, [en ligne], publié le : 17 Novembre, 2016 - http://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/l-extermination-de-malades-et-handicapes-mentaux-sous-le-regime-national-socialiste, ISSN 1961-9898.
Mon opinion sur ce film
Difficile de formuler une opinion sur ce film que l’on devrait presque classer comme un documentaire, même s’il s’agit d’une fiction. J’avais beau savoir que l’âme humaine pouvait atteindre des abîmes de noirceur, j'étais très en-dessous de la réalité. C’est pourquoi j’ai du mal à prendre du recul pour formuler une critique. Nous savons ce que les Nazis ont fait mais, dans le cas qui est décrit dans ce film, les responsables de ces horreurs n’étaient même pas des nazis, mais des médecins convaincus de bien faire ! Et la société allemande, sauf exception, ne les a même pas condamnés comme si, au fond, elle leur donnait raison ! Je suis sidéré. C'est pourquoi, il est indispensable de voir ce film.