Film déconcertant et troublant sur l'identité (et accessoirement le racisme et la condition d'arabe en France à paris au 21ème siècle, y compris dans les sphères élitistes des universitaires et énarques) et sur l'altérité (prendre la place d'un autre par jeu, par amnésie, par imposture et calcul ?). Toutes les conjectures sont autorisées dans ce long-métrage qui vire peu à peu vers la fable, la métaphore et l'irréel, qui rebutera du coup les cartésiens et ceux qui veulent trouver un sens ou une explication à tout. Il y est aussi beaucoup question de rapport au père, cruel et manipulateur avec ses deux fils, ou, presque pire, indifférent et goguenard envers celui qui réussit et quémande pitoyablement des miettes d'affection. Thème des destins gémellaires qui se recoupent ou se prolongent dans une relation où la fascination et la séduction comptent pour beaucoup, tant le jeune Yacine (interprété par l'incandescent Mehdi Dehbi) par sa beauté angélique et son charme vénéneux sème la confusion qui a déjà emprisonné son propre cerveau. Cet univers très intellectuel et la présence du rare Emmanuel Salinger font bien sûr penser au cinéma d'Arnaud Desplechin, néanmoins la dimension fabuleuse envoie le film sur d'autres champs. En acceptant de pénétrer dans un monde où tout finit par dysfonctionner, se dérégler et ne plus obéir à des attitudes logiques et sensées, on flotte de concert avec Yacine dans le flou et l'incertitude. Une position étrange et inhabituelle, nullement inconfortable, au contraire inédite et agréable.