Je suis une ville endormie par Le Blog Du Cinéma

Dès le début du film, le réel nous est posé. On nous raconte l’histoire d’un parc se situant dans la ville de Paris. Le parc nommé Les Buttes-Chaumont. Mélangeant les images d’archives, des peintures, des photographies de personnalités aux explications pédagogiques, l’introduction va surtout servir au spectateur à se placer dans l’espace-temps. Désormais, il sera à quoi il aura à faire, ainsi que les personnages.

La croyance dans le réel ne s’arrêtera heureusement pas à cela, ça serait triste. Sébastien Betbeder parle d’une histoire d’amour. Le plus grand sujet qui existe au Cinéma, la source de tout. Cet amour aura ses errances, ses moments de doutes, ses coups de téléphones, sa relation sexuelle, la magie d’un repas aux bougies, etc. Le plaisir de gambader ensemble, de se construire une histoire à deux, en gardant cette histoire en secret face à l’entourage. Mais aussi les secrets qu’on se cache à l’autre, car le coup de foudre est plus beau quand c’est le premier regard. Même si c’est lors d’une fête entre jeunes. Le réel apparaîtra également dans la série de plans dans le parc, où l’on voit des personnes faire un footing, des enfants jouer, des gens pique-niquer, et d’autres bronzer. Pas de problème d’éthique, le régime frégéen est respecté.

Face à cela, Sébastien Betbeder ne prend aucun risque. Il assume son récit dans la pauvreté des moyens dont il dispose. Le dispositif est vraiment très visible. Notamment quand il s’agit de faire de longs travellings, ainsi écourtés. Mais qu’importe, tout le film résonne comme une balade nocturne poétique. Sébastien Betbeder nous transporte dans une somnolence sensible, tout droit sortie d’un rêve. Mais un rêve éveillé, évidemment. Une poésie noire où on entre dans l’inconnu, mais on fonce quand même. Une poésie noire où des héros noctambules croisent la romance avec le documentaire (voire les images d’archives et les plans neutres sur le parc).

Le tout servi dans un lyrisme impressionnant. Ici vient la première surprise du film : Sébastien Betbeder arrive à conjuguer la poésie noire avec le lyrisme. Chaque mouvement va en faveur de ses acteurs. Dès que l’on voit ses acteurs de dos, il s’empresse de faire un travelling (pas express, mais entre rapidité et légéreté) pour revenir sur leur visage. De là on comprend que le plus important dans son film sont ses acteurs (qui sont, en passant, époustouflants. Des personnages situés entre du Rohmer et du Fellini). Et constamment, on arrive vite à l’idée que Sébastien Betbeder se fout de Paris. Ce qui l’importe, c’est de cartographier le parc des Buttes-Chaumont en filmant ses acteurs dedans. Poésie en mouvement.

La seconde surprise vient du récit. Sébastien Betbeder démarre dans une histoire d’amour la plus basique qu’il soit (ce qui n’empêche pas qu’elle soit magnifique), pour progresser vers du fantastique assumé. Au bout d’un moment, on peut croire que le film va se terminer sur cette histoire d’amour, sur une déchirure, sur un « ils vécurent heureux ». Mais Sébastien Betbeder en a décidé autrement. La force de son récit est qu’il fini par expliquer chaque situation et chaque révélation étrange par du fantastique. Comme si une si belle histoire d’amour n’est possible que dans les films, que c’est irréel.

Là vient une autre part de réel très éblouissante. En effet, en faisant du fantastique, les personnages se transformeront petit à petit en une sorte de la Belle et la Bête au pays des somnambules. On nous parlera même de réception d’une énergie enfouie dans les sous-sols inaccessibles du parc. Ce qu’on pourra certainement regretter ici, c’est le manque de prise de risque, voire même le manque de recherche dans la réalisation sur ce côté fantastique. Car en vérité, cela reste uniquement dans le récit. Vous pourriez vous boucher les oreilles, vous ne ressentirez pas le fantastique à l’image. Bien que quelques scènes absurdes font des apparitions éclairs.

Finalement, Les Nuits avec Theodore est un film à la romance nocturne sous forme de somnolence. Des amoureux entre du lyrisme et une poésie noire. Sébastien Betbeder a une très belle croyance dans le réel, tout comme il assume parfaitement ses responsabilités d’auteur. A côté de cela, on a une forme fascinante mais trop limitée et bien trop visible. Ne reste plus que le passage de romance sensible à du fantastique non abouti, le tout servi avec des acteurs qu’on prend plaisir à voir sous tous les angles de la caméra.

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Auteur : Teddy
LeBlogDuCinéma
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le 30 mai 2013

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