...And Justice for all
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Une grande partie de la force des films de Robert Wise provient des portraits de déclassés. Dans Le coup de l’escalier, Nous avons gagné ce soir ou Marqué par la haine, des écorchés vifs vivent l’hostilité du monde de manière frontale, et s’abiment à son violent contact. Je veux vivre explore cette veine, à la différence de taille qu’il propose cette fois un portrait de femme.
Barbara Graham ne bénéficie pas de ce qu’on pourrait appeler une exposition élogieuse : condamnée pour parjure, mêlant alcool, combines, tabac et grande gueule, elle fait partie de ces individus sur qui l’on braque rarement les projecteurs. Les débuts du films, incursions dans les lieux populaires où le jazz sied merveilleusement à des plans inclinés, plantent un décor un peu sordide dans lequel on ne s’attend pas à voir sourdre de profonds élans d’humanité.
Une affaire criminelle va permettre au récit d’en permettre l’émergence. Accusée (à tort, pour cette version romancée d’une « histoire vraie » dans laquelle, visiblement, Graham aurait été plutôt réellement coupable) de complicité dans un meurtre, Barbara va tenter une défense qui va en tout point la desservir. L’intérêt du film vaut surtout pour cet aspect, presque tragique, qui souligne à quel point certains déterminismes condamnent à l’avance les individus. Le passif de Barbara fait d’elle la coupable idéale, au point qu’on la piège sans difficulté pour alourdir son cas : en lui proposant un alibi plus convaincant que sa présence aux côtés d’un ex-mari ivre mort, on lui fait miroiter de quoi s’en sortir… pour mieux révéler qu’elle était prête à payer un homme pour un faux témoignage.
La démonstration va plus loin encore : si les complices, réels coupables du meurtre, persistent à accuser Barbara, c’est pour, pensent-ils, voire leur peine allégée : jamais l’opinion ne se permettrait de condamner à mort une jeune mère célibataire, clémence dont ils pourraient, par ricochet, bénéficier. De ce point de vue, ce qui rend digne d’empathie Barbara est donc précisément ce qui contribuera à la faire condamner.
La mécanique est donc efficace, même si elle se trouve minée à de nombreuses reprises par le jeu (pourtant oscarisé…) de Susan Hayward, poussive tant dans sa gestuelle que sa tonalité.
Ce qui prévaut, c’est bien le système dans lequel son personnage s’englue, et la valeur quasi documentaire que Wise accorde à la description de la chambre à gaz : un pareil réquisitoire contre la peine de mort est particulièrement audacieux en cette fin des années 50, bien avant le regard clinique et tout aussi terrifiant que proposera Sean Penn dans Dead Man Walking.
Entre le sadisme de ces coups de fils à répétition d’un système dénué de cœur et la satire des médias, Wise ne cache pas son pessimisme : on le trouvera exprimé avec force dans cette dernière image voyant un journaliste ôter son sonotone, écœuré de laisser venir encore à lui la rumeur d’un monde décidément bien cruel.
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le 21 mars 2018
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