Je suis un peu pris de court car je ne m’attendais pas à un truc aussi mauvais, après avoir lu le pitch et vu quelques images ça semblait se jouer entre Catacombes (au demeurant sympathique, oui oui ne bougonnez pas) et Pyramide (à chier, là je pense que tout le monde sera d’accord) avec un côté Cloverfield (pour le gigantisme "cthulhuien"), le genre de délire mystique en found footage donc … Pour le coup exit la caméra au poing, déjà fait et refait, enfilons de rutilantes Google Glass et partons dans la ville sainte, Jérusalem.
L’accroche sur la porte des Enfers m’a plu mais le problème c’est que le film ne nous laisse malheureusement pas vraiment le temps de s’y intriguer puisqu’il la décrédibilise dès les premières minutes, c’est embêtant, autant en rester aux gravures du générique c’était largement suffisant, la vidéo Super 8 du démon avec les trois représentants religieux autour c’est déjà un cirque, c’est terrible de se rendre compte qu’un éventuel potentiel se détruit d’entrée. Nous voilà donc informé qu’on regarde une daube, très bien, plus que 1h30 à tenir …
Déjà le parti pris du found footage via des lunettes pourquoi pas, allez, d’un sens l’immersion peut s’en retrouver bien meilleure et davantage crédible qu’une caméra, mais franchement s’en est vite fatiguant, c’est limite une mauvaise pub pour ce gadget, à de nombreux moments la technologie va d'ailleurs prendre le pas sur le corps du film, quitte à placer des points de scénario bas de plafond comme celui par rapport à l’historique Facebook de la nana (la scène des toilettes), et puis c’est blindé de faux raccords et de plans sur-esthétisés, ça ne va pas jusqu’au bout du concept, ça méritait d’être plus brut, plus dégueulasse, du coup c’est tronqué.
Il y a aussi une vraie entourloupe avec la gestion des personnages, au delà des quatre principaux (tous aussi exaspérants) le metteur en scène va en utiliser seulement quelques autres (notamment les deux soldats et le fou) pour les introduire puis les faire revenir de manière totalement incohérente et gratuite, comme si la ville était un espace clos, dans ce contexte de panique la foule n’existe pas, j’imagine que ça manquait de figurants, ce qui fait que ça dessert non seulement l’authenticité mais également l’ambiance.
À force ce décor qui renferme tant de secrets se retrouve désincarné en une sorte de train fantôme clichesque : longues ruelles glauques, grotte, église, hôpital psychiatrique, tout y passe, mais le pire c’est que les créatures démoniaques apparaissent sans toquer à la porte de notre monde, il n’y a pas d’atmosphère, à un moment on veut des plans larges sur la ville, qu’on ressente quelque chose, à la place on nous colle des grognements de démons-zombies aillés et des géants aux pinces de crabes d’un modelage rappelant les grandes heures de la PS2, c’est épouvantable. Ce genre de survival n’a jamais l’ambition de surprendre, le mystique est jeté à la poubelle, dans Catacombes le film avait au moins le mérite de tenter d’instaurer un climat et une symbolique ciblée pour nous faire perdre la boule, là c’est de la resucée, ça n’a aucun intérêt en 2016 de continuer dans cette voie (Cloverfield a déjà 8 ans, et était déjà pas terrible), on n'en peut plus sérieusement. Logiquement la passivité et la lassitude prennent le dessus lors d’un dernier tiers insupportable, et puis je trouve ça encore plus intolérable d’appuyer un scénario (sans idées qui plus est) dans un procédé qui demande une once d’imprévisibilité, les codes sont tellement assimilés qu’on connait déjà la fin, pif paf pouf on s’en fout et on passe un sale moment.
JeruZalem est non seulement un plantage total en matière de cinéma et de concept mais également une anomalie créative, ce type de projet n'a définitivement plus sa place sur nos écrans, devenu une relique totalement périmée, et personne n'est décidé à la ressusciter comme elle se doit, donc stop, et ce n'est pas la peine de nous revendre l'idée par un dispositif "moderne", Skype, Google Glass, etc, demain ça sera certainement des drones j'imagine, ridicule.
Et le comble de l'histoire c'est que le film a remporté un prix majeur au dernier festival fantastique de Gérardmer, ou comment encourager la bêtise, force est de constater qu'à tous les niveaux les cérémonies perdent les pédales, de quoi porter un constat alarmant sur l'industrie, non ? Je pose juste la question ...