American Vandal
Je viens de tomber par le plus grand des hasards sur ce court-métrage. Premier réflexe quand je découvre une nouvelle œuvre : je vais chercher la fiche technique de celle-ci, je me documente un...
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le 6 déc. 2019
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Je viens de tomber par le plus grand des hasards sur ce court-métrage. Premier réflexe quand je découvre une nouvelle œuvre : je vais chercher la fiche technique de celle-ci, je me documente un minimum et, probablement, je vais jeter un œil sur sa page SensCritique. J'apprends alors qu'il s'agit d'un projet de Victor Bonnefoy alias InThePanda, personnage dont le travail me laisse plutôt indifférent. J'avais visionné son documentaire sur le cinéma de genre en France, ce n'était pas très bien fichu mais sans être inintéressant, il avait réussi à réunir des cinéastes qui avaient quelque chose à dire sur le sujet. Par curiosité intellectuelle, je regarde alors « Jésus Est Revenu ».
J'y ai cru durant une minute trente. L'introduction laissait presque transparaître une idée, un style, une thématique. Passé ce délai, le court-métrage révèle son véritable visage, c'est-à-dire un mauvais documentaire-fiction sur fond de pseudo-comédie dramatique aux références grossières et mal exploitées. Du début à la fin, Victor Bonnefoy ne semble pas avoir compris les codes et les enjeux qui caractérisent le documentaire. Le récit est mal réfléchi, mal structuré, son écriture pauvre se base sur des références extrêmement convenues et peu ambitieuses. La tentative de jongler entre un traitement sérieux et un traitement comique du sujet et de ses thématiques est très maladroit. Les transitions sont poussives, rendant difficile la cohérence et la fluidité entre chaque séquence.
L'entièreté de l'histoire, reposant sur des poncifs affligeants de caricatures humaines, n'a aucun impact narratif ou émotionnel. On voit se succéder des personnages stéréotypés jusqu'à la moelle qui racontent des conneries pour une histoire sans grand intérêt. Nous avons le droit aux piques faciles et putassières sur Konbini, ce qui a déjà été fait moult fois et de manière quelque peu plus incisive. Le patron de Gloup d'un cynisme légendaire en tant que bon connard avide et non empathique. Le portrait du sale flic vil et beauf que l'on ne connait que trop bien. Le prêtre extraverti et libéré qui parle comme un charretier avec une aisance démesurément inopportune. Le couple de vloggers qui se prend la tête pour de bêtes questions de commentaires ou de tweets... Tous les personnages sont construits sans commune mesure, sans structure concrète, sans aucune nuance. Ce sont juste des clichés sur pattes éternellement alimentés par la conscience collective des internautes. Ils n'évoluent pas, ils n'existent pas. Ce qui est un problème majeur, car dans un documentaire anthropocentriste, tout l'intérêt se concentre sur les personnes qui sont filmées, sur leurs pensées, sur leurs actions, et de manière générale, sur leur vie.
Comme dit précédemment, il y a une vaine tentative de jongler entre drame et comédie mais ce petit manège cesse rapidement de fonctionner. L'aspect dramatique ne parvient pas à exister car l'intrigue manque cruellement d'enjeux : le récit se repose entièrement sur un cyber-harcèlement de masse contre un homme désigné comme un tricheur au « Uno » par l'apparition en images de synthèse d'une sorte de Christ cosmique filmé en direct sur Facebook. C'est vraiment très miséreux. L'intrigue se construit essentiellement sur de mauvaises références à ce qu'il y a de plus médiocre dans la culture populaire de l'Occident postmoderne. Des références vulgaires et ostentatoires qui privent le métrage de tout crédit, de toute sensibilité cognitive. Les réseaux sociaux ; les followers ; les fake news, le « Uno » - le jeu de société des mauvaises soirées -, les médias numériques, le cyber-harcèlement... autant de témoignages des plus piètres éléments qui constituent l'époque actuelle. Autoportrait de ce que notre société propose aujourd'hui de plus mauvais, de plus abrutissant, de plus grossier. « Jésus Est Revenu » échouera également dans sa velléité de représenter une époque, une culture, un pays. Ni le contexte pitoyable ni les enjeux dramatiques inexistants ne peuvent donner de la substance à ce récit d'une vacuité divine.
Tous ces éléments de culture populaire, tous ces anglicismes, toute cette idéologie digitale qui est véhiculée fait souffrir le métrage d'un horrible manque de réalisme. En regardant cela, je ne parviens à aucun moment à m'identifier à quoi que ce soit car ce qui nous est montré n'est pas un instant représentatif de la réalité en France. Nous avons seulement l'impression de faire face à une mauvaise web-série bourrée de clins-d'oeil ostensiblement affligeants à une culture populaire nord-américaine 2.0. Ce qui est un choix de facilité absolue, ce qui n'est pas le moins du monde osé, ce qui a déjà été fait et refait en mieux. La dimension dramatique est un échec, il est impossible de se sentir emporté dans une histoire sans queue ni tête qui ne démontre pas le moindre intérêt cinématographique. Du côté du comique, la situation n'est guère mieux. Nous avons à deux reprises une tentative très forcée de rendre drôle le fait que l'on puisse censurer dans un documentaire le mot « couille ». Navrant. On joue sur les clichés et les actions grossières des personnages pour forcer un sourire. On tente de faire croire qu'un homme d'Église puisse parler si familièrement et que cela pourrait être drôle, ce qui ne fonctionne pas car on ne croit pas un seul instant que ce soit possible. On désacralise la religion catholique sans réflexion aucune, parce-que c'est socialement accepté et convenu de le faire, on se sert de la figure du Christ de la manière la plus idiote possible en la faisant intervenir physiquement sur Terre afin de se mêler d'une... partie de « Uno »...
Du côté de la dimension comique, le niveau ne vole pas bien haut non plus. Cet humour lourdingue, beauf et gentiment scatophile constitue vraiment tout ce que je ne supporte pas dans le comique. C'est le degré zéro de la subtilité, de l'élégance et de la créativité. C'est tellement facile, tellement inutile, tellement bas. Du point de vue narratif, ce court-métrage est une défaite cuisante. Ni le scénario ni le découpage technique ne sont maîtrisés, les dimensions comiques et dramatiques s'effondrent, les personnages n'ont aucune substance et sont grossiers. Victor Bonnefoy n'a tout bonnement pas réussi à assimiler les codes du documentaire. Ce pastiche de documentaire-fiction à vocation comique ne sait pas du tout comment s'y prendre, ni comment montrer son histoire, ni comment la filmer et la mettre en scène. Une série qui, elle, réussit très bien à exploiter l'ambivalence narrative drame/comédie sur le format documentaire : « American Vandal ». Cette dernière sait gérer la transition entre le comique et le dramatique avec fluidité et retenue ; les personnages y sont sincères, réels, palpables ; il y a des enjeux - souvent d'ordre judiciaire - qui mettent les personnages dans une situation délicate ; les codes du documentaire y sont respectés.
Ici, le propos n'est pas intelligent, il n'est pas drôle non plus et dénote complètement par rapport au résultat recherché. Dans un documentaire, le montage est essentiel afin de ne garder que les séquences qui sont raccords avec le propos de l'œuvre, on va chercher à ce que les personnages expriment leur ressenti, leurs sentiments, leurs expériences... on va chercher à transmettre un message, ou une vision sur quelque chose. Dans « Jésus Est Revenu », on nous montre les coups de gueule bien débiles des personnes filmées, on nous montre leurs querelles de couple ridicules, on nous montre des parties de « Uno » sans intérêt, on nous montre des extraits d'entrevue en micro-trottoir totalement sortis de leur contexte pour tenter d'étoffer un propos vide qui arrive à se perdre dans sa propre indigence. On sent bien que Bonnefoy n'a pas compris quels étaient les codes du genre du documentaire, ce qui est terriblement fâcheux pour quelqu'un qui a réalisé un documentaire sur le cinéma de genre.
L'œuvre est d'une telle pauvreté intellectuelle et technique que s'en est embarrassant. La réalisation est d'une banalité abyssale, sans aucune idée de mise en scène - seule l'introduction est correcte - : des séquences en plan fixe sans traitement scénique qui s'enchaînent sans logique apparente et où l'on voit chaque caricature déblatérer maintes bêtises l'une après l'autre dans un gloubiboulga narratif de 30 minutes. Le niveau des thématiques est vraiment au ras des pâquerettes, le court-métrage laisse cette très désagréable sensation de s'adresser à une audience de petits cons numériques de 14 à 18 ans, à croire qu'il faut être né avec un iPhone dans la main et avoir les capacités cognitives d'une tige de roseau pour rire de cela et pouvoir apprécier ce contenu étourdissant de stupidité. Concernant la photographie, cela ne va pas non plus : les images de synthèse ne sont pas vilaines en soi mais sont inutiles car ne servent pas le propos, elles sont juste balancées pour la forme mais ne sont en rien justifiées dans la direction artistique, leur absence n'aurait pas impacté le propos. Visuellement, ce n'est pas franchement beau, ce n'est pas franchement laid non plus. C'est assez banal aussi, mais cet aspect trop propret du cadre et de la photographie annihile la dernière once de réalisme que l'on pouvait percevoir dans ce faux documentaire-fiction de série Z. En conclusion, rien ne va correctement dans ce court-métrage, tout y est trop mauvais, trop facile et trop grossier, sauf exception pour son introduction qui ne dure que 90 secondes. Une tentative bien vaine qui n'aura réellement rien apporté à personne... Ni à son auteur, ni aux spectateurs et encore moins au cinéma.
Créée
le 6 déc. 2019
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