Dix ans après Swimming Pool, le réalisateur français François Ozon revenait en 2013 au Festival de Cannes avec Jeune & Jolie, un film qui, dès la bande-annonce, mettait en lumière les thématiques propres à son cinéaste : la sexualité, l’ambiguïté et la subversion des normes familiales. Bien que le long-métrage soit reparti bredouille, il su se rattraper par la suite au box-office (à ce jour, il est le quatrième plus gros succès d’Ozon) et la cérémonie des Césars 2014 en étant nominé dans deux catégories (Meilleure actrice dans un second rôle et Meilleur espoir féminin). Retour donc sur ce film qui, vu son sujet (la prostitution d’une lycéenne de 17 ans) avait fait couler pal mal d’encre à sa sortie.
Et quelque part, il y a de quoi être outré par le parti pris d’Ozon concernant le sujet choisi. En effet, même s’il révèle certaines conséquences de cette prostitution au niveau de la vie sociale et familiale de cette adolescente, nous ne pouvons pas dire que le réalisateur critique cela. Au contraire, il s’agit plutôt d’un prétexte lui permettant de dresser le portrait d’une jeune fille se préparant à passer, non sans mal, à l’âge adulte. Ainsi, chaque rencontre qu’elle fait, chaque partie de jambes en l’air, sert à montrer de manière métaphorique son évolution et ce que cela implique de grandir (comme le fait de d’avoir un petit copain ou pas, semblable à prendre des responsabilités). Et c’est ce pour quoi Jeune & Jolie attire l’attention : le film n’est pas des plus bavards, préférant raconter quelque chose via la puissance évocatrice de ses images qui en disent long, arborant bon nombre de sujets (par exemple, l’adolescente se séparant peu à peu du noyau familial afin de mener sa vie).
Pour en arriver là, François Ozon a réussi à ne jamais se montrer voyeur, ce qu’il aurait pu faire dans le pire des cas. Mais non, le cinéaste est parvenu à rendre des séquences pourtant assez crues pleines de sens et surtout belles à regarder. Notamment via une bande originale qui offre un soupçon de poésie à l’ensemble et un amour sans faille du réalisateur à sa nouvelle muse, Marine Vacth, véritable révélation du film qui éclipse sans mal le reste du casting (même si Géraldine Pailhas réussit à la faire face) à laquelle il reste constamment collé. Littéralement pendue à ses lèvres et en admiration devant elle, Ozon la filme sans pudeur ni retenue. La rendant hypnotique. Lui permettant ainsi de crever l’écran à chacune de ses apparitions. L’ancien mannequin repéré par Cédric Klapisch dans Ma part du gâteau ici l’occasion de mettre en valeur son corps (alléchant, n’ayons pas peur des mots !) mais également de montrer qu’elle est une actrice à suivre, portant sans mal le long-métrage sur ses épaules alors qu’elle était une parfait inconnue pour le public et la profession.
Après, il se peut que Jeune & Jolie en frustre plus d’un. La faute principalement à son statut de « portrait d’une jeune femme ». Et pour cause, le film ne se permet pas d’aller au-delà de cette étiquette-là. Alors oui, l’ensemble se montre maîtrisé de bout en bout et est très bien interprété. Malheureusement, vous sortirez du visionnage en vous disant « C’est bien ! Et après ? Où le réalisateur a-t-il bien pu en venir ?». S’il y a bien de la matière et une histoire prenant forme, Jeune & Jolie se finit brutalement (mais de bien belle manière), laissant ainsi quelques trames secondaires en suspens dont on aurait bien aimé avoir un dénouement (son histoire avec son copain, sa mère trompant son beau-père, l’idylle de sa meilleure amie…). L’impression d’avoir vu une œuvre quelque peu inachevée s’en ressent sur la fin, et c’est bien dommage.
Malgré ce défaut non négligeable, Jeune & Jolie est la preuve qu’il ne faut pas renier les films français, comme beaucoup de jeunes de notre génération le font aujourd’hui (en même temps, quand on est biberonné à Fast & Furious et consorts…). Car ils passent à côté de réalisateurs tel que François Ozon qui ont véritablement de la matière à proposer. Et qui, quand ils font bien leur travail, livrent des longs-métrages agréables à regarder et qui, dans la plupart des cas, parviennent à toucher. C’est ce qui arrive quand on regarde Jeune & Jolie. Et c’est tout bonnement rafraîchissant !