Isabelle a 17 ans et elle est belle. Un soir d’été, pendant les vacances, elle perd sa virginité avec un jeune allemand sur une plage. L’acte est neuf, quasi violent. On le voit, on le ressent en regardant les mouvements de hanche du jeune prétendant et en s’attardant sur le visage angélique et étonné de l’adolescente, interprétée par l'incroyable Marine Vatch.
La caméra d’Ozon immortalise cet acte de naissance de la nouvelle Isabelle, par un jeu de dédoublement. La jeune fille allongée sur le sable voit apparaître sa propre personne, qui la contemple d’un air surpris, en pleine action. Isabelle devenue « femme », devient sa propre spectatrice. Début de l’automne. L’expérience sera renouvelée plusieurs fois avec plusieurs hommes. Des hommes beaucoup plus âgés que la lycéenne, se faisant désormais appeler Léa.
Léa a 20 ans et passe ses fins d’après-midi dans des hôtels luxueux en compagnie de mâles mariés en échange de pas mal d’argent. C’est le début d’une nouvelle expérience pour Isabelle appelée prostitution. Et celle-ci y prend goût. Les aventures et les partenaires se multiplient. L’argent coule à flots pour l’adolescente sans histoire qui s’initie en regardant des vidéos pornos sur le web. Isabelle vit dans un beau quartier parisien avec sa mère, son beau-père et son petit frère. Elle ne manque de rien, mais elle est en quête. A-t-elle conscience de ce qu’elle fait ? Oui. C’est le parti pris de la jeune femme, sa liberté. C’est sans doute cela qui a choqué certains spectateurs. Le personnage d’Isabelle n’est pas évident, il est volontairement ambigu, nonchalant et mystérieux. Pourquoi agit-elle ainsi ? Par ennui ? Par provocation ? Depuis le début du film, l’ado clame son désir de liberté. Elle est libre de ne pas présenter son petit copain à sa mère, elle est libre de sortir le soir sans prévenir et libre de coucher avec de parfaits inconnus même en étant mineure. Pour Isabelle, l’expérience de la liberté passe par la quête de quelque chose, de son être-jeune sans doute.
Ozon ne fait pas un film sur la prostitution. Ce n’est pas son but. Toute la subtilité du long-métrage est de questionner et de poser différents regards sur une expérience individuelle, sur une certaine jeunesse mais aussi de mettre en évidence les regards d’autrui sur une pratique ou un métier décrié.
Beaucoup de points intéressants sont à soulever dans le film, notamment la relation entre Isabelle et son petit frère, petit voyeur, curieux de tout et soif de découvertes. Le jeune enfant est le confident de sa grande sœur et semble très avancé sur la question du sexe. Il y a beaucoup d'insistance sur ce point...
Par ailleurs, la confrontation entre Isabelle et la femme (jouée par Charlotte Rampling que j'adore) du mari fragile du coeur mort pendant un rapport avec l'ado prostituée est juste extra ! Les confidences qu'elles se livrent, les regards qu'elles se lancent, le retour dans la chambre d'hôtel... Cela est parfaitement mis en scène.