Passion & Pension

Jeunes Filles En Uniformes (Mädchen in Uniform) est un film allemand de 1931 réalisé conjointement par Léontine Sagan et Carl Froelich. Le film est souvent cité comme étant l'un des tout premier représentant du cinéma lesbien doublé d'une ode à la liberté face au conformisme qui déplaira fortement au futur régime nazi puisque celui ci tentera de faire disparaître le film en brûlant touts les négatifs et en 1944 la Gestapo assassinera même Christa Winsloe la femme qui avait écrit la pièce à l'origine du film. Si tout ceci semblera bien innocent et chaste aujourd'hui le film demeure un chouette pamphlet pour le choix d'aimer qui l'on veux , pas inutile tant certains contestent encore et toujours la liberté sentimental et sexuel des autres.

Jeunes Filles En Uniformes nous raconte l'histoire de Manuela jeune orpheline de 14 ans mise en pension dans un établissement pour filles de soldats décédés lors de la première guerre mondiale. Sous une discipline de fer les jeunes filles sont éduqués à devenir de bonnes futures mères de soldat. Parmi les enseignantes Fraulein Von Bernburg a choisi la bienveillance et l'amour quasi maternelle pour accompagner ces jeunes filles au grand dam de la direction et des autres enseignantes. Manuela va en tomber éperdument amoureuse...

Jeunes Filles En Uniformes est un joli petit film avec un charme profond. Avec son casting 100% féminin et son univers de pensionnat pour jeunes filles on a déjà droit à un chouette film de sororité avec des filles complices et solidaires face à la rigidité du cadre qu'on leur impose dans une éducation certes stricte mais non plus dictée par des tortionnaires. On est clairement pas dans du cinoche d'exploitation des seventies mais dans du cinéma allemand des années 30 donc tout reste très soft et sous contrôle, même si en filigrane on raconte bel et bien une passion amoureuse entre une fille de 14 ans et son enseignante. Sans doute confiée à Leontine Sagan qui venait du théâtre la direction des comédiennes est très bonne même si l'on sent encore une double influence du cinéma muet et du théâtre dans le jeu parfois un peu forcée des actrices. En tout cas toutes les scènes de groupe avec de nombreuses jeunes filles à l'écran (même si elles ont toutes bien plus que leurs âges supposés) fonctionnent à merveille et c'est un bonheur de voir s'exprimer leur complicité assez naturelle. Le film est parfois assez amusant comme lors d'une séquence d'ivresse collective à cause d'un punch un peu trop corsé, une scène assez drôle et qui paradoxalement coïncide avec le véritable point de bascule vers le drame. Outre les rôles principaux certaines comédiennes parviennent à sortir du lot comme Ellen Schwanneke dans le rôle de l'espiègle et dynamique Ilse. Quant aux trois grands rôles principaux ils reviennent à Dorothea Wieck assez fascinante en douce et aimante mère de substitution, Hetha Thiele dans le rôle de Manuela dont les grand yeux embués de larmes et le teint blafard ferait fondre un iceberg plus vite que le réchauffement climatique et Emilia Unda parfaite en rigide directrice d'établissement.

Même si ce sont des trucs et artifices connues du cinéma le film rend plutôt bien par l'image les idées de domination en jouant d'ombres inquiétante et de jeux de plongées et contre plongées mettant en évidence une certaine hiérarchie des caractères. L'aspect purement mise en scène est souvent attribué de manière peut être un peu facile un peu caricatural à Carl Froelich plus technicien du cinéma que son homologue féminin Léontine Sagan, en tout cas le film est agréable à suivre y compris dans ces aspects un peu vieillots. Lors de sa sortie française c'est Colette qui rédigera les sous titres du film et certains dialogues d'une belle naïveté sonnent toujours aussi juste comme : "Ce que vous appelez péchés, je l’appelle le grand esprit d’amour, sous toutes ses formes". Et face à cette institution qui prépare par la privation, la discipline et la rigueur morale du futures bonnes épouses et mères de soldats, cette douce bluette chaste et sentimentale faisant fi des convenances rances de l'époque sonne aux cœurs comme l'espoir d'une profonde révolution. A Noter que le film va connaître deux remakes le premier sous le même titre en 1958 avec Romy Schneider et l'autre en 2006 intituléLoving Annabelle réalisé par Katerine Brooks plus un autre film intitulé Olivia en 1951 s'inspirant fortement de celui ci.

Jeunes Filles En Uniformes est un joli film tant pour les idées qu'il défend que pour l'élégance de sa mise en scène, l'émotion qui se dégage des personnages et l'esprit libertaire et frondeur de ses jeunes filles Et puisque bientôt cent ans après sa sortir il est encore des esprits étriqués pour s’occuper des sentiments et de la vie sexuelle des autres, le film reste tristement pertinent à revoir .