Pour son deuxième film, JOUR J, Reem Kherici nous invite à un mariage et dévoile les dessous des wedding planners.
Du premier long-métrage de la réalisatrice Reem Kherici, Paris à tout prix, il était resté une impression d’esthétique, d’élégance, de rythme, de personnages gouailleurs et joyeux et une jolie réflexion sur la façon d’assumer des origines. JOUR J reprend les mêmes ingrédients que la réalisatrice assaisonne sur un mode plus romantique. Inspirée par le mariage de ses trois meilleures amies, la réalisatrice, rencontrée à Bordeaux, dit ne pas avoir voulu faire un énième film sur les mariages, et que celui évoqué dans son film est juste un prétexte à la comédie.
Avec son co-scénariste Stéphane Kazandjian (Pattaya) et la collaboration de Philippe Lacheau (Alibi.com), elle a surtout écrit pour que « toutes les filles, femmes et mères se reconnaissent dans ses personnages féminins indépendants, sans être forcément les femmes de ». Ses deux personnages féminins principaux sont en effet très convaincants : Juliette, à qui elle offre sa verve et son dynamisme et Alexia, interprétée par Julia Piaton (Adopte un veuf), que l’intrigue révèle à elle-même. C’est un peu moins le cas pour les personnages de Marie, sa mère irresponsable et alcoolique, dont le rôle a été expressément écrit pour Chantal Lauby, et Clarisse, son associée dans leur société de Wedding planner, que joue Sylvie Testud.
Comme souvent, c’est sur un malentendu que la comédie débute : Mathias a trompé Alexia avec Juliette et ne la détrompe pas lorsqu’elle croit que Mathias a engagé Juliette pour leur mariage. En choisissant Nicolas Duvauchelle (nommé cette année pour le César du meilleur acteur pour Je ne suis pas un salaud) pour interpréter Mathias, la réalisatrice a voulu surprendre le public et pour sa première comédie, l’acteur s’en sort plutôt bien.
Là ou l’intrique de JOUR J se corse, c’est qu’Alexia est en réalité une amie d’enfance de Juliette, qui n’a jamais vraiment fait partie de la bande de ces « filles en A », blondes, riches et capricieuses : les Anna, Sarah et autres Johanna. Cette autre piste de l’histoire apporte réellement la touche la plus émouvante du film, puisque Juliette adulte se dédouble en convoquant dans ses pensées la petite Juliette de l’école primaire. Les deux Juliette se retrouvent souvent, main dans la main, lorsque la grande repense à tous ses souvenirs de pauvreté et de délaissement et qu’elle fait la paix avec les ressentiments de la petite.
Reem Kherici, pour qui «l’enfance est la fondation de qui on devient adulte», revendique dans son écriture l’utilisation de ce qu’elle est. Elle était elle aussi « lorsqu’elle vivait à Neuilly, très complexée par sa pauvreté, son teint foncé, son prénom pas en A et ses cheveux noirs ». Le regard de ces filles devenues adultes et dont le destin est tout tracé, change aussi sur Juliette. Le vilain petit canard s’est transformé en cygne : elle a changé de milieu social et a réussi professionnellement, elle est devenue belle, a la classe et de beaux vêtements, mais surtout elle est libre et aussi indépendante qu’un mec ! Cette vision aurait sans doute mérité d’être moins idyllique et plus audacieuse avec, pourquoi pas, une petite trame de vengeance rigolote envers ces jeunes femmes qui ont manifestement harcelé la petite fille. Mais Reem Kherici a pris le parti du pardon et choisi avec JOUR J de faire rire et de se moquer sans esprit revanchard.
Les autres personnages masculins sont malheureusement inégaux. Ben (François-Xavier Demaison), meilleur pote de Mathias, apporte du peps à JOUR J en loser philosophe aux théories assez fumeuses sur les femmes. Quant à Lionel Astier (le père d’Alexia) il se spécialise décidément en père de fifilles à papa veuf un peu lourdaud après L’embarras du choix. Néanmoins JOUR J enchaîne les gags, les chutes, les dents, les bouteilles et les téléphones cassés, les malentendus sur les mots et les situations, et les nombreux pains que se prennent souvent les futures mariées dans la figure. Certaines scènes sont plus réussies que d’autres, déjà vues ou poussives, et sont autant de prétextes à faire rire qu’à pousser les deux héros à tomber amoureux. JOUR J se révèle cependant un film plaisant, rythmé, drôle et tendre, porté par l’énergie du quatuor d’acteurs.
Par Sylvie-Noëlle pour Le Blog du Cinéma