Jurassic Park... *inspiration, sourire béat, expiration*
Quand ce film est sorti sur les écrans, je lisais mon magazine sur les dinosaures au petit déjeuner, construisais mon squelette de T-rex phosphorescent entre dix heures et midi, jouais avec mes tricératops et stégosaures en plastique l'après-midi, mangeait des Dinosaurus au goûter en frissonnant devant Le petit dinosaure et la Vallée des Merveilles (plus connu sous le nom de "Petit Pied"). Bref, je vivais au Crétacé, comme les trois-quarts de mes camarades de classe. Inutile de vous préciser que quand cette affiche est apparue sur les murs de la ville, il a été pour ainsi dire obligatoire d'aller le voir. Pensez-vous ! Un film sur les dinosaures, que rêvez de mieux quand on respire déjà cet univers à plein poumon ?
Je ne pense cependant pas me tromper en vous avouant que j'ai été terrorisée. Vraiment. Au début, tout allait bien : le Brachiosaure, le Tricératops, nickel ! Puis la nuit tombe, l'orage aussi et les fusibles lâchent la rampe. La chèvre est réduite à une simple jambe sanguinolente et madame T-Rex est libre de pousser un cri déchirant qui vous traverse la cage thoracique en vous remuant toutes les tripes. Je me suis cachée derrière mes mains pour ne pas voir l'avocat se faire gober, me suis levée sur mon siège pour échapper aux mâchoires des Vélociraptors avant de tourner le dos à l'écran pour tout le reste du film, simplement terrifiée par les hurlements des bestioles. Quand je suis sortie de la salle obscure, j'étais persuadée qu'une de ces créatures monstrueuses allait me sauter dessus à chaque coin de rue (alors que je savais qu'elles n'existaient plus depuis belle lurette) et, le traumatisme a été tel que j'ai refusé d'entrer dans la galerie du Palais des Expositions où ils avaient eu la riche idée de mettre des animatronics de dinosaures (ils bougeaient ! Qu'est-ce qui pouvaient les empêcher de se jeter sur moi pour me dévorer ?).
Et pourtant... ce film est une pure merveille. Il m'a fallu quelques essais pour parvenir à le regarder en entier mais, plus je grandissais, plus je percevais l'humour omniprésent et plus j'appréciais la prouesse technique réalisée par Spielberg sur ce chef-d'oeuvre. Sincèrement, regardez ces effets spéciaux qui sont autrement plus crédibles que ceux d'Avatar ou des derniers opus Star Wars. On y croit ! Les dinosaures sont réellement là, tous prêts à nous éternuer des restes de Gingko biloba dans les yeux. En même temps, ils l'étaient vraiment, présents. Sous la forme d'animatronics ou de marionnettes pilotées de l'intérieur (vous saviez qu'il y avait des vrais acteurs dans les Vélociraptors ?). Le T-rex qui pousse son cri victorieux sous cette pluie diluvienne était parfaitement tangible. Et, vingt ans plus tard, on y croit toujours. Même sur un grand écran, ces dinosaures sont d'un réalisme effrayant.
Alors oui, je sais qu'il y a tout plein d'incohérences historiques - la plupart des espèces présentées n'ayant jamais vécu à l'ère du Jurassique - mais, regardez ce Dilophosaure soulever ses petites côtes tandis qu'il bave devant son prochain repas, en la personne de ce lourdaud de Nedry, et venez me dire que le film n'est pas crédible pour deux sesterces. Les incohérences de ce type, je m'en contrefiche quand une multitude d'étoiles viennent faire briller mes yeux à l'apparition de ce Brachiosaure. Quand mon ventre se remplit de papillons et que des larmes viennent effleurer mes paupières quand Alan pose son oreille contre le flanc de cette femelle Tricératops mal en point (moi aussi, c'était ma préférée quand j'étais gamine). Quand je sursaute et me rencogne dans mon fauteuil lorsque ce raptor surgit d'entre les tuyaux de la réserve. Quand un sourire apaisé, et un peu triste, se dessine sur mes lèvres lorsque John observe ces pélicans voler délicatement au-dessus de la mer.
Sincèrement, je me fiche des cris d'orfraie des paléontologistes amateurs ou professionnels car ce film est génial. Par cette alliance subtile entre l'animation assistée par ordinateur et ces automates plus vrais que nature, Spielberg a réussi le coup de maître de nous plonger dans un monde parfaitement plausible, au milieu d'animaux qui ont disparu de cette Terre depuis des milliers d'années et qui, pourtant, nous paraissent terriblement réels ici. Les acteurs, qui n'ont pas dû toujours avoir la partie facile, sont excellents, y compris les enfants - qui auraient pu être rapidement horripilants mais qui, là encore, présentent des réactions tout ce qu'il y a de plus envisageables dans pareilles situations. Et puis cet humour, ces petites phrases devenues cultes, qui ponctuent l'ensemble du film et l'allègent dans des moments où il était facile d'insister sur la gravité des évènements et donc noyer le spectateur dans une ambiance moite des plus désagréables.
En plus, Spielberg a évité l'écueil de suivre le livre à la lettre. Je n'ai lu celui-ci que très récemment mais Malcolm y est tout simplement imbuvable. Tout comme les enfants d'ailleurs (en particulier Lex qui passe son temps à se plaindre et à réclamer pour rentrer chez elle). Et puis les explications y sont intéressantes mais souvent indigestes. Là, dans ce film, en quelques répliques, tout le modus operandi est étalé : clair, concis, accessible à tous. Pas besoin d'en dire plus, tout le monde a compris et est prêt à y croire. Bref, Spielberg a su transformer un bouquin lourd et crispant, en un film simple et jouissif. Magistral. Le 10 est amplement mérité.