Féérie du chaos
Dans la galaxie en triste expansion du blockbuster, il est recommandable de revenir de temps à autre aux fondamentaux : pour savourer, et comprendre à quel point le savoir-faire en terme de cinéma...
le 12 janv. 2018
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Ce titre résume tout ce que représente "Jurassic Park" pour moi, c'est-à-dire ma toute première "expérience" cinématographique. Je m'en souviens encore comme si c'était hier.
1996, âgé de six années et plutôt habitué aux films d’animation (ce qui est plutôt normal à cet âge), des traditionnels films Disney en passant par ceux de Don Bluth, une certaine VHS d'un film sorti trois ans plus tôt va un beau jour croiser le chemin de mon magnétoscope. Et la pauvre ne se doute pas encore qu'elle sera rembobinée plus d'une centaine de fois. Déjà à l'époque, j'étais très intrigué et passionné par les dinosaures, ce film n'a fait que me rendre définitivement amoureux de ces grosses bestioles. À l'école, là où certains voulaient devenir vétérinaire ou encore pompier, moi je voulais devenir paléontologue. Je suis bien conscient de ne pas être un cas isolé, loin de là, et que des milliers d'enfants ont vécu à l'époque ce même sentiment d'émerveillement avec "Jurassic Park". Car voilà ce qu'est "Jurassic Park" : un rêve devenu réalité, un des plus beaux cadeaux que Steven Spielberg pouvait faire aux gosses du monde entier et un film qui arrive encore à nous faire perdurer sa magie malgré le temps qui passe.
Adaptation du roman éponyme de Michael Crichton, qui écrira lui-même le scénario avec David Koepp, "Jurassic Park" nous raconte l'histoire de John Hammond, patron de InGen, qui parvient à ramener à la vie des dinosaures et décide donc de créer le plus grand parc à thème du monde sur Isla Nublar, une île au large du Costa Rica. Avant l'ouverture et à la suite d'un incident, Hammond, sous la pression de ses actionnaires, doit faire visiter le parc à un groupe d'experts pour obtenir leur aval. Pendant la visite, une tempête et un informaticien corrompu sont la cause de la coupure de tous les systèmes de sécurité du parc, permettant aux dinosaures de s'échapper facilement de leur enclos... C'est à partir de ce synopsis-là que le gamin que je suis va vivre une grande aventure. Et je ne pensais pas encore qu'on pouvait vivre de telles choses en étant seulement installé dans un canapé devant un écran.
Je devrais d'abord évoquer mon premier frisson. Cette scène où nos experts arrivent sur l'île et que les Jeep qui sont chargés de les emmener au Centre des visiteurs décident de s'arrêter au beau milieu de la nature. Et là, Sam Neill alias Alan Grant aperçoit quelque chose. Il en perd son chapeau et ses lunettes de soleil qui révèlent des yeux qui pourraient sortir de leurs orbites. Ce qu'il est en train de voir est à peine croyable. Même chose pour Laura Dern alias Ellie Sattler. Mais quelle est cette chose que nos deux protagonistes aperçoivent hors-champ ? Cette attente ne dure que quelques secondes et pourtant elle est intense et presque insoutenable. Puis la révélation nous apparaît enfin et elle est magnifique. C'est un majestueux brachiosaure de 15 mètres de haut qui se dirige vers un grand un arbre pour s'y nourrir. Un grand frisson parcourt tout mon corps. Je prends une bonne claque car pour moi ce que je vois est vrai, il y a un dinosaure dans mon salon. Et c'est à ce moment que je me rends compte que le cinéma est capable de transformer l'impossible en possible et l'imaginaire en réel. Un souvenir et un émerveillement à jamais impérissable. Welcome to Jurassic Park !
Coté casting, c'est vraiment très bon. Sam Neill alias Alan Grant, paléontologue passionné par les dinosaures, plus particulièrement les vélociraptors et qui n'aime pas les enfants. Laura Dern alias Ellie Sattler, paléobotaniste et collègue de Grant. Jeff Goldblum alias Ian Malcolm, mathématicien excentrique, spécialiste de la théorie du chaos et totalement opposé au projet de Hammond. Le grand acteur et réalisateur Richard Attenborough alias John Hammond, gentil vieillard qui a gardé son esprit d'enfant, créateur de Jurassic Park (qui a dépensé sans compter). Et à noter aussi la présence de Samuel L. Jackson alias Ray Arnold, ingénieur en chef du parc et aussi tabagique que Gainsbourg. Sans oublier les enfants Joseph Mazzello et Ariana Richards alias Tim et Lex.
Mais le casting ne s'arrête pas là car il n'est pas seulement humain. Les autres "acteurs" sont bien évidemment les dinosaures. Et là encore, c'est pré-historiquement très bon. Brachiosaures, tricératops, dilophosaure, gallimimus, vélociraptors et quelques parasaurolophus qui viennent faire de la figuration. Et je garde le meilleur pour la fin, celui du rôle principal, de la vedette de ce film. J'ai nommé le grand, l'unique, le tranchant, Sir Tyrannosaurus Rex.
Cette créature qui m'a fait tellement rêver et fantasmer, cette puissance de la nature qui si elle était encore vivante aujourd'hui, je ne donnerais pas cher de notre peau. La star du film, c'est lui et personne d'autre. D'ailleurs durant la visite, lorsque nos amis arrivent à son enclos, Monseigneur Rex fait son petit caprice de starlette et ne daigne même pas à montrer le bout de son museau. Même un petit apéricube au chèvre ne suffit pas à le faire sortir de sa loge. Il sait se faire attendre mais ça en vaudra bien la peine. Car oui, j'en arrive à la meilleure scène du film, celle où notre gros zoziau va déchainer sa fureur contre nos visiteurs qui n'en demandaient pas autant. Comment ne pas évoquer le prélude de son arrivée. Ce plan si culte et si intelligent de la part de Spielberg. Ce plan du verre d'eau sur le tableau de bord qui tremble et forme de parfaites ondulations à la surface de l'eau pour chaque pas du T-Rex, annonçant son arrivée imminente. C'est brillant, c'est génial et j'en tremble de peur. Et voilà que sa gueule apparaît, avalant son amuse-gueule parfum chèvre d'un trait. Et puis l'apothéose de son apparition, ce plan où l'on voit enfin dans toute sa splendeur notre tyran s'échapper de son enclos et nous sortir un rugissement que seul le roi de cette jungle serait capable de faire. J'ai évoqué un grand frisson à l'apparition du premier brachiosaure. Mais ma réaction concernant le T-Rex a été mille fois plus intense. En plus des frissons dans tout le corps, ce sont les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte avec la salive qui coule sur le menton que j'ai vécu cette scène. Un mélange de peur, d'excitation et d'émerveillement m'a envahi à ce moment. Et c'était vraiment un plaisir de pouvoir vivre ça à l'époque. Et il faut dire les choses comme elles sont, ce putain de tyrannosaure est magnifique et il envoie du lourd bordel !
Voilà ce qu'est "Jurassic Park", un enchainement de scènes aussi cultes les unes que les autres. La scène d'introduction avec l'attaque du raptor réalisée avec brio qui mise tous ses effets sur la suggestion et qui nous donne le ton. La démonstration de la théorie du chaos de Ian Malcolm. La scène du tricératops malade avec Alan Grant qui se colle à l'animal pour entendre sa respiration. Celle de Dennis Nedry et du dilophosaure. Celle de la voiture qui chute du haut de l'arbre. Le chant des brachiosaures pour endormir nos petits Lex et Tim. La somptueuse scène des raptors dans la cuisine. Ou encore le plan final du T-Rex avec l'affiche qui tombe devant lui.
Je pourrais parler de chacune d'entre elles plus en détail mais je ne voudrais pas non plus que la lecture de ma critique vous prenne deux heures, il n'est point dans mon intention de trop abuser de votre temps.
"Jurassic Park", c'est surtout ses dinosaures qui vivent parfaitement bien devant la caméra grâce à des effets spéciaux saisissant de réalisme. Et il est bluffant de constater que plus de 20 ans plus tard, ce film a très bien vieilli. Pour cela, Spielberg s'allie avec Phil Tippett (Industrial Light & Magic) pour les images de synthèse et Stan Winston (Stan Winston Studio) pour les animatroniques. Et le résultat final est parfait. Il faut dire aussi que les images de synthèse utilisées à l'époque étaient les meilleures images que l'on ai pu faire par ordinateur dans un film. Il n'y avait jamais eu de résultat aussi probant avec ce genre de techniques. En ce point, "Jurassic Park" a totalement changé la donne dans le milieu du cinéma moderne avec l'utilisation de ces nouvelles techniques. Mais ce qui fait la force du film, c'est surtout l'utilisation des animatroniques qui sont tout simplement bluffants, qui jouissent d'une crédibilité sans faille et qui rendent les dinosaures plus vrai que nature. Stan Winston a fait un travail incroyable (mention spéciale pour le T-Rex). Et Spielberg arrive à créer une osmose parfaite entre images de synthèse et animatroniques. C'est là qu'il est intéressant de faire le lien avec le principal propos que nous offre le film.
Car "Jurassic Park", c'est la science face à la nature, les nouvelles technologies face à la préhistoire. C'est par le biais de Ian Malcolm qui est la principale opposition à John Hammond, qu'on remet en cause les questions d'éthique de cette science et du projet de recréer des dinosaures. Comme nous l'explique Malcolm, les dinosaures ont eu leur chance et c'est la nature elle-même qui les a fait disparaitre. Hammond a le pouvoir de ramener les dinosaures à la vie mais il ne s'est même pas demandé si il avait le droit de pouvoir le faire. Pour Malcolm, faire cela revient à se prendre pour Dieu et à aller contre les décisions de cette nature, avec pour conséquence de réveiller des forces inconnues que l'homme n'arriverait pas à contrôler, mettant sa propre existence en danger. Voilà à peu près l'analyse qu'on pourrait tirer du film par rapport à ce propos.
Et donc j'en reviens au lien précédemment établi avec les techniques d'effets spéciaux utilisées par Spielberg. Pour faire son film, il a sa disposition les meilleurs images de synthèse, si il le voulait vraiment, il aurait pu les utiliser pleinement et laisser tomber le coté animatronique. Mais non, il a le pouvoir de cette nouvelle technologie qui s'avère fiable, mais il n'en abuse pas et en définitif l'a respecte. Il ne l'utilise que quand c'est vraiment nécessaire (surtout pour les plans larges) et utilise en majorité les animatroniques pour un rendu totalement exceptionnel. C'est là toute l'intelligence de Spielberg. Et ça se ressent beaucoup dans sa mise en scène. Surtout quand il filme du point de vue de l'homme dans la nature. On se rend compte qu'il est petit et qu'il n'est absolument rien face à la puissance qu'il vient de ressusciter.
En ce qui concerne les effets sonores, c'est très réussi. En particulier les mixages sonores pour créer les cris des dinosaures. Par exemple pour les brachiosaures, qui est le résultat d'un croisement entre un chant de baleine et des cris de singes. Et le cri du tyrannosaure est sublime. D'ailleurs j'ai l'intime conviction qu'il rugissait de la même manière il y a plus de 65 millions d'années.
Et comment ne pas parler de la sublime musique de John Williams et surtout de son thème magistrale qui me donne la chair de poule. À chaque fois que je l'entends, je ne peux m’empêcher de penser a l'hélicoptère qui arrive sur l'île ou quand la grande porte du parc s'ouvre pour accueillir nos visiteurs. Je dois dire que c'est sans conteste mon thème préféré de John Williams. Il faut dire qu'il aura apporté une autre dimension au film. Un vrai parfum d'aventure et de mystère se dégage de sa musique. Magnifique, sublime, magistrale, je devrais même inventer des superlatifs pour qualifier sa musique tellement je l'aime.
Pour conclure, voilà donc ce qu'est "Jurassic Park" pour moi. C'est le film de mon enfance, celui que j'ai plaisir à revoir chaque année au moins une fois. C'est ses dinosaures somptueux débordant de beauté. Sa musique et ses effets spéciaux exceptionnels qui perdurent dans le temps. C'est le film qui m'a montré que le cinéma était capable de repousser toutes les limites. C'est pour cela que ma première note et ma première critique sur SensCritique ne pouvait qu'être destiné à "Jurassic Park". D’ailleurs ce n'est pas vraiment une critique, ni un avis mais plutôt une déclaration d'amour à ce chef-d’œuvre qui m'a émerveillé, qui m'émerveille et qui continuera de m'émerveiller. Et surtout n'oubliez pas.
La vie trouve toujours un chemin.
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Créée
le 26 févr. 2015
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