Commencer la chronique cinématographique par Juste avant la fin du monde, un film de Xavier Dolan ne semble pas être la chose la plus mince qui soit. Parler avec autant de justesse et de clarté en trouvant les bons mots, le mot juste est un travail des plus délicats. Pourtant, comme nous l'apprendront dans ce film, les paroles justes n’existent pas, le bon mot et la manière de le dire n’existe pas. Les mots ne trouvent pas la même intensité que des regards, des expressions notamment celles du visage. On ne peut pas tout dire avec des mots...Je ne suis pas Louis (Gaspard Ulliel) et pourtant, le regard que vous allez jeter sur ma chronique me laisse en émoi ! Je plaisante, bien évidemment que votre regard m’importe peu car ces paroles sont les miennes, elles ne regardent que moi et je suis l’unique propriétaire de mes paroles. Mon but : vous donner envie d’aller courir au cinéma. Cours-y, voles-y, nages-y !
Une chose est certaine, il fallait un casting 5 étoiles pour réussir à interpréter ces rôles distribués par Xavier Dolan. L’histoire se déroule : “Quelque part, il y a quelques temps déjà”. Comment ne pas se douter que nous sommes pieds et poings liés à ce film. Cette situation initiale nous l’avons tous déjà connu. Quels regards vont porter nos amis, notre famille, notre entourage à notre égard. Quelles vont être leurs réactions face à une annonce primordiale? C'est dans ce contexte que Louis (Gaspard Ulliel), le héros âgé de 34 ans, revient dans sa modeste famille provinciale, avec le projet d'annoncer sa mort prochaine. Il n'a pas vu sa mère (Nathalie Baye), son frère aîné (Vincent Cassel) et sa petite sœur (Léa Seydoux) depuis douze ans. Il n'a encore jamais rencontré sa belle-sœur (Marion Cotillard). Pour ressentir cette histoire, posez vous un instant et maintenant commencez à vous imaginer dans ce huis-clos où les murs vont se resserrer au fil du temps, petit à petit vous allez vous sentir oppressé puis asphyxié. Maintenant il vous est impossible de respirer convenablement, de vous exprimer clairement. Le souffle vous manque, vos paroles ne sont plus claires, vos mots sont déréglés. Xavier Dolan vous torture, il vous oppresse, vous étrangle dans son espace à lui, ce huis-clos, cette maison de monsieur tout le monde. Les mots ne sortent pas, ne sortent plus. L’impossibilité de communiquer par la voie orale laisse alors place au génie des acteurs et du réalisateur. C'est par le biais de scènes où chaque protagoniste se retrouve seul avec Louis que l'histoire avance. Il suffit que le cercle s'ouvre un peu pour que la cacophonie prenne place, chacun faisant ressortir son côté naturelle. tente d’affirmer sa personnalité, le grand frère (Vincent Cassel) crève l’écran par son exaltation, sa femme (Marion Cotillard) propose une performance similaire malgré le fait qu’elle ne cesse de s’effacer dans le décor. Le rôle exaltant à souhait est celui de Nathalie Baye qui est métamorphosée dans son incarnation d’une mère à la nervosité fofolle qui, au final, est bien plus profonde. Les personnages divulguent deux aspects différents d'eux-même. Après 12 années d'attentes, les membres de la famille sautent sur l'occasion de parler à Louis, c'est d'ailleurs cette précipitation qui les fait agir comme des animaux sauvages qui veulent aller au but après tant d'années. Les mots se transforment en regards, en expressions du visage, en gestes d’agacements et d’attentes. Les mots laissent place au silence, à la caméra de Dolan où le travail de mise en scène est impeccable : un cadrage ultra-serré qui permet d’être au plus proche des réactions de chacun.
On retiendra un film où le propos nécessite un casting en or qui se voit par de nombreux face à face avec Louis, vider leur sac, brailler, gueuler, se renfermer, se survolter pour arriver à une atmosphère électrique où Xavier Dolan et sa maîtrise prennent le relais pour offrir une œuvre remplie de justesse.