C'est ma première critique, il m'a fallu plusieurs jours pour digérer ce que je venais de voir, pour digérer -surtout- ma déception et comprendre le fait que ce film ne cesserait de me trotter dans la tête qu'au moment ou je pourrais coucher ma déception sur mon clavier. Alors, je raconte depuis le début. Je me faisais une joie d'aller voir le nouveau Dolan, réalisateur que je respecte beaucoup et que j'apprécie depuis le magnifique Mommy qui m'avait profondément touché. Malheureusement, tout ce que j'avais apprécié voire adoré chez Mommy -et dans une moindre mesure dans J'ai tué ma mère- je ne l'ai pas retrouvé dans Juste la fin du monde. Ou plutôt si, mais poussé à l'extrême, poussé au ridicule. Pourtant, ça commençait plutôt bien, Ulliel pose le postulat de départ : il revient chez sa famille qu'il n'a pas vu depuis douze ans pour lui annoncer sa mort prochaine, ça, vous le savez tous, on passe à la suite.


"Home is where it hurts", Camille (la chanteuse) nous le fait bien comprendre, ça va faire mal. Alors ça fait mal, oui, mais pas comme je l'espérais... Je ne vais pas m'attarder sur les hurlements omniprésents comme beaucoup l'ont fait avant moi, j'étais prévenue, et puis qu'est ce que serait un film de règlements de compte familiaux sans les bonnes engueulades imposées ? Je rentre donc dans la salle en préparant mes oreilles : ça va gueuler. J'ai été servie, ça gueule mais ça ne gueule pas pour régler ses comptes, ça gueule pour absolument rien. Tout ce que j'aime au cinéma est dans ce film annihilé pour laisser place à une vulgarité qui donne la nausée. Les dialogues sont horribles à supporter la majeure partie du temps, mais ça à la limite je le laisse à Dolan : c'est ce qu'il voulait faire. C'est ce qu'il veut nous faire éprouver, cette frustration de l'incapacité à dire ce que l'on a sur le cœur, d'être toujours coupé dans son élan par une insulte, une invective, cette impossibilité de dire, de mettre les mots juste sur une souffrance enfouie au plus profond. Mais peut être qu'à trop vouloir montrer ces souffrances, Dolan en a trop fait pour nous faire comprendre, trop fait pour nous émouvoir et pourtant j'ai passé la totalité du film dans l'incompréhension mais surtout en colère contre tous ses personnages qui s'agitaient devant moi et pour lesquels je ne ressentais absolument rien.


Tout le problème est là : les intentions du réalisateur sont louables et légitimes mais je n'y ai pas cru à un seul instant. Pas que les acteurs soient mauvais, bien au contraire, ils ne sont même pas trop marqués "stars françaises" dans mon esprit, mais leurs personnages sont si irréalistes que rien n'a pu créer une once d'empathie pour eux chez moi. Pourtant, je connais Xavier Dolan, je sais à quel point ses personnages peuvent être exubérants, éloignés de la réalité et jamais cela ne m'a posé problème puisque je ne suis pas une fervente admiratrice du naturalisme au cinéma, mais ici, je n'ai jamais compris leurs motivations, le grand Pourquoi. Parce que, évidemment, un mini clip de trente secondes sur fond de Dragosta Din Tei ne suffit pas à me faire saisir toute la complexité du lien qui unit Louis à son frère, ça ne suffit pas à me faire comprendre la profondeur de la douleur du frère qui se construit sur un abandon. J'aurais aimé comprendre pourquoi cette séparation fait aussi mal à chacun, pourquoi elle empêche à ce point de se construire et d'avancer. Le personnage mourant, Louis, est censé créer une tension dramatique, une bombe à retardement, mais le fait est qu'à aucun moment je n'ai pu être émue pour lui : on ne sait rien de sa mort, et encore moins de sa vie, il ne parle pas, ne laisse rien entendre, rien voir à travers lui qu'une profonde tristesse qui ne parvient pas à toucher. Finalement, c'est comme si chaque personnage n'était qu'un trait de caractère grossi jusqu'à l'éclatement, et si possible un trait vraiment, vraiment irritant.


J'ai parfois senti le début de quelque chose dans une séquence ou deux, comme la fameuse scène du regard échangé par Catherine et Louis (Cotillard et Ulliel) et pourtant ces deux, trois scènes faisaient toujours sur moi l'effet d'un pétard mouillé. En cause, le manque de subtilité de Dolan, qui n'hésite pas à saturer l'ouïe de violons en permanence, ou de ralentis qui devraient nous faire comprendre à quel moment la salle est censée pleurer. Ces procédés tire-larmes sont utilisés à outrance, ajoutés à des gros plans incessants sur les yeux mouillés de Gaspard Ulliel qui ont coupé chez moi toute possibilité d'être émue. Je n'ai finalement eu que l'amère impression que Dolan voulait vite se rendre à l'émotion sans prendre le temps de construire des personnages ou une tension dramatique suffisante pour que le spectateur soit ému sans recourir aux cinglants violons qui deviennent un peu plus insupportables à chaque fois qu'ils réapparaissent (si tant est qu'ils disparaissent parfois, je ne faisais même plus attention : j'étais colère).


J'ai donc passé une heure et demi dans une salle presque vide entre la colère et l'ennui avant de ressortir de la salle de cinéma déçue, mais surtout avec l'amère impression de m'être fait rouler dans la farine. Enfin bon, c'était pas la fin du monde, c'était juste raté.

Chloé_Le_Bahezr
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le 27 sept. 2016

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