Kill 'Em All
L'introduction où l'on entend un gamin lire le debut du serment d'allégeance au drapeau américain, puis l'arrivée d'une musique disco avec des images de tribunaux, ne nous met pas dans les meilleurs...
le 3 déc. 2017
22 j'aime
14
Certains métiers favorisent un contact particulièrement éprouvant avec la nature humaine : c’est le cas de la police, et prenant son relais, la justice. Norman Jewison, qui se prête volontiers à un regard sans concession sur la société de son temps (Dans la chaleur de la nuit) ou du supposément notre (Rollerball, sorti en 1975 et se passant… en 2018) investit les tribunaux pour une fable assez enlevée et par moments déconcertante.
L’idée est de restituer la folie inhérente à ce milieu, dans lequel le crime n’est plus la question, mais un fait, et le moyen de faire avec l’occasion de toutes les manipulations : par les avocats, mais aussi les juges et la police, pour aboutir à un vaste jeu de dupes dans lequel les plus faibles trinquent.
Ce parti pris est ce qui fait toute la saveur du film : restituer une hystérie continue et qui conduit à l’aliénation : par le portrait d’une des victimes, un noir travesti qui cumule à peu près toutes les singularités pour être broyé par la machine, d’un avocat idéaliste et luttant contre des moulins à vents (Al Pacino, en (trop, comme souvent) grande forme), et de deux juges aux antipodes.
Le premier, lessivé par la laideur du tableau social, est devenu un fantasque suicidaire, occasionnant les séquences les plus originales, mêlant la comédie noire (la sortie en hélicoptère ou le running gag le voyant avec un canon dans la bouche ou au bord du vide dans les situations les plus quotidiennes) à un désespoir assez poétique. Le deuxième, archétype du système cynique, tire davantage vers la caricature en brisant les petits tout en asseyant son pouvoir inique. C’est par lui que se dessine un récit en forme de dilemme, forçant l’humaniste Pacino à assurer sa défense, quand bien même il le sait coupable du pire.
Lorsqu’il délire à plein tube, le film est doté d’une véritable énergie, et dévie vers une fable sociétale souvent séduisante ; mais ses excès se retournent contre lui à partir du moment où il creuse le sillon d’un récit qui se voudrait plus sérieux, et vecteur d’une dénonciation sociale. On a du mal à donner du crédit au personnage de Pacino, qui ne peut raisonnablement s’investir émotionnellement comme si chacun de ses clients était son propre enfant. De la même manière, les développements et la plaidoirie finale, qui déploie tout ce que la dramaturgie américaine peut faire de plus poussif, plombe sérieusement la dose de folie qui prévalait jusqu’alors.
Dommage de voir le film reprendre les rails d’une démonstration aussi manichéenne : la caricature était bien plus incisive lorsqu’elle se fondait sur un absurde (non dénue de désespoir) que lorsqu’elle tente les lourdeurs du pathétique.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Politique, Social, Dénonciation, Les meilleurs films sur le système judiciaire et judiciaire
Créée
le 19 févr. 2018
Critique lue 706 fois
11 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur Justice pour tous
L'introduction où l'on entend un gamin lire le debut du serment d'allégeance au drapeau américain, puis l'arrivée d'une musique disco avec des images de tribunaux, ne nous met pas dans les meilleurs...
le 3 déc. 2017
22 j'aime
14
Certains métiers favorisent un contact particulièrement éprouvant avec la nature humaine : c’est le cas de la police, et prenant son relais, la justice. Norman Jewison, qui se prête volontiers à un...
le 19 févr. 2018
11 j'aime
4
Comédie tragique absurde avec un final qui vous laisse par terre. Ironique, exalté, parfois plus réaliste que la réalité... A découvrir en urgence. Pacino est flamboyant.
Par
le 28 sept. 2016
9 j'aime
7
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
715 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
618 j'aime
53