Le film à segments est peut-être de tous l'exercice cinématographique le plus délicat. Même avec un fil rouge (souvent ténu), il y a ce risque constant (et hélas souvent vérifié) de l'ennui ou de la frustration au bout d'un certain temps. Kaos ne déroge malheureusement pas à la règle, et ce n'est pas le talent dramatique de Pirandello (dont les nouvelles ont inspiré le film) qui parviendra à changer quelque chose. À nouveau, les Taviani s'imposent comme les grands paysagistes de l'Italie rurale et historique, mais comme pour la Nuit de San Lorenzo, on ne parvient (faute de temps) à s'attacher réellement à aucun des personnages. Et si on ne peut rien reprocher à la réalisation des Taviani, on peut toutefois regretter la manière un peu laborieuse dont les segments (individuellement bons) s'enchaînent, avant de se conclure par une rencontre entre Pirandello et le fantôme de sa mère, séquence qui aurait pu être sublime mais touche trop à l'intellectualisme et à la connaissance approfondie de l'auteur pour que le public plus large et moins connaisseur (dont je fais partie) se sente en relation avec le film. Pirandello était un brillant auteur mais difficilement transposable au cinéma, tant les mots sont sa force alors que les Taviani brillent par l'image. À l'instar des histoires du film, Kaos n'est qu'une rencontre manquée entre différents êtres, à savoir un auteur, des réalisateur et des spectateurs.