Karateci Kiz est un film turc de 1973 surtout connu pour une séquence devenue virale sur la toile et qui a fait le tour des bêtisiers du monde entier comme étant la scène de la pire mort de toute l'histoire du cinéma . Voir le film dans son intégralité et en version originale (Merci à l'éditeur Filmotronik) permet déjà de rétablir une petite vérité , le réalisateur Orhan Aksoy n'est pas totalement responsable de cette séquence digne des pires nanars ( j'y reviendrais plus tard) et Karateci Kiz même si il n'est pas très bon et parfois fort amusant ne pourrait se résumer à cette unique séquence.
Karateci Kiz c'est une histoire banale et classique de vengeance comme il en existe un paquet dans le cinéma bis et d'exploitation. Il est ici question d'une gentille fille muette qui échappe à une tentative de viol et dont le père est assassinée par cinq voyous échappés de prison. Après avoir retrouver la parole à cause (ou plutôt grâce) au choc émotionnelle, elle entreprend de se venger avec l'aide d'un mystérieux inconnu.
Karateci Kiz ne raconte rien de bien nouveau sous le soleil terne du vigilante movie, on retrouve les ingrédients habituelles avec ici une gentille fille, des méchants pas beaux, un crime gratuit et atroce, un mentor tombé du ciel, un apprentissage du combat et des armes puis une vengeance bien méritée. La petite touche exotique vient ici de l'origine du film puisque le cinéma turc de cette époque n'est pas réputé pour la finesse et la mesure. Et en effet, même si le réalisateur Orhan Aksoy tient plutôt correctement son film et ne s'offre pas de sorties de routes majeures, on reste dans un cinéma qui appuie et exagère toujours un peu ses effets. Au départ l'héroïne muette qui vend les fleurs coupées de son gentils pôpa pour se payer l'opération qui lui fera retrouver la parole ressemble un peu à un personnage de conte avec ses couettes blondes, sa robe fleurie, sa gentillesse qui colle et ses grands sourires compatissants le tout sur des nappes de musiques dégoulinantes comme le Jeux Interdits de Narciso Yepes. Quant aux cinq margoulins échappés de prison, ça grimace, ça transpire de la moustache, ça ricane et ça parle fort … Forcément une fois la rencontre des deux extrêmes faites avec fracas, le film entre donc dans une mécanique entre vigilante et rape and revenge avec notre gentille petite fille blonde se transformant lentement en arme fatale jouant aussi bien du calibre que du coup de tatane et du bourre pifs. Le film propose même une très chouette évolution du personnage principale ( Interprétée par Filiz Akin) avec un sous texte presque féministe en montrant une jeune fille qui va s'affirmer, se libérer, prendre le dessus sur les hommes, finir par s'imposer aux yeux de tous en devenant policière le tout en troquant ses robes à fleurs et ses couettes pour un ensemble cuir et pull moulant rouge sang du plus belle effet donnant même au personnage des petits airs de femme scorpion.
Pour en revenir maintenant à la fameuse scène de la mort du personnage de Ferruh Durak interprété en surrégime permanent par le très expressif Bülent Kayabas, il faut savoir que cette séquence là durant laquelle le comédien agonise avec des grands Arghhhhhhhhhhhh durant près d'une minute est en fait issus de la version italienne du film. Dans le version originale le comédien ne fait strictement aucuns bruits (son expression corporelle démesuré suffit déjà amplement) et la séquence est accompagnée de la voix off du mentor de Zeynep (Filiz Akin) lui rappelant qu'elle doit toujours tirer plusieurs balles pour s'assurer de la mort de sa victime. Du coup la séquence n'est plus du tout la même, même si ça reste excessif et amusant , ça ne va pas directement s'inscrire au panthéon des scènes estampillées nanar. D'ailleurs globalement Karateci Kiz n'a rien d'un nanar de compétition, c'est certes très naïf, parfois excessif, souvent surjoué, parfois maladroit, quelque fois un peu couillon et l'on y retrouve quelques jolis travers du cinéma turc comme l'emploie de bandes originales sans la moindre autorisation ( Shaft - Jeux Interdits) mais dans l'ensemble ce Karateci Kiz est un petit film bis tout à fait regardable et la comédienne Filiz Akin assure avec une certaine prestance au registre de la femme d'action.
Alors bien sûr Karateci Kiz n'est pas un grand film mais il mérite bien mieux que de se retrouver réduit à une seule séquence d'autant plus qu'elle n'est pas tout à fait tiré du film lui même. A la fois naïf et excessif le film de Orhan Aksoy reste un petit vigilante movie amusant dans ses défauts et prenant dans ses maigres qualités comme le charisme un peu bancal de son interprété féminine Filiz Akin.