- Merci de votre venue, monsieur Tarantino. Nous sommes tous fans de vos trois premiers films, films noirs revisités de manière contemporaine avec une maturité assez exceptionnelle de la part d'un cinéaste tout jeunot.
- Fucking thanks !
- ... Abordons le vif du sujet. Vos cinq ans d'absence sur la scène nous laissent penser que vous aviez eu le temps de concocter un beau projet, élaboré, mature, et tout.
- Ouais.
- Qu'en est-il ?
- Bah voila. Je vais faire un fucking film à la sauce samourai.
- Intéressant. C'est très juste. Votre style correspond parfaitement à la philosophie japonaise. On se souvient tous de l'honneur de Mr-Orange dans Reservoir Dogs, que seuls les jap's ont compris.
- C'est tout à fait ça. Je ferai des combats avec une esthétique sublime, dans la neige, avec une lumière bleue et tout.
- Parfait, on tient le chef d'oeuvre. Continuez, je vous prie.
- Je mettrai des musiques sublimes, qui berceront des propos philosophiques sur le chambara et sur la vengeance, prononcés par un vieux sage fabricant d'armes, interprété par un acteur japonais en vogue, Sonny Chiba.
- C'est génial !
- Ouais, et aussi... L’HÉROÏNE BUTERA UNE MÈRE RANGÉE DEVANT SA FILLE, PARCE QUE, TOUT COMME MOI, CA LA FAIT JOUIR !!!
- ... C'est une blague ?
- NON. ET L’HÉROÏNE ENCOURAGERA MÊME LA PETITE FILLE A VENIR SE VENGER PLUS TARD.
- Les américains vont détester.
- Attendez, attendez, j'ai une super idée... Pour faire kiffer les geeks, je leur offrirai une séquence animée façon manga bien laide sur les origines d'une tueuse de Tokyo.
- Ça, c'est plutôt malin. Ils vont adorer. Mais vous ne voulez pas tirer un trait sur les scènes dégueulasses et immatures que vous aviez énoncées précédemment ? Parce que sans ça, on peut tenir un chef d'oeuvre.
- Ce n'est pas tout, il y aura d'autres très belles scènes, comme... UNE FEMME ENCEINTE DANS LE COMA QUI SE FAIT VIOLER !!!
- C'est complètement con ! Vous allez vous mettre l'Amérique à dos !
- Shut up, laisse-moi m'astiquer en paix. Le projet s'appellera subtilement Kill Bill, et sera signé de ma main, la main de Quentin Tarantino. Donc, le public, en voyant mon nom, adorera forcément, tout comme les critiques, et ça Harvey Weinstein le sait. Il ne coupera rien, mais les scènes les plus stupides que j'ai écrites quand j'avais 13 ans. Et je vous emmerde.
- J'en ai bien peur...
Des mois plus tard...
"Délice visuel et musical autant que pur film-prototype, Kill Bill témoigne d'une candeur et d'un panache phénoménaux. Un chef-d'oeuvre." Chronickart
"Du cinéma d'exploitation qui transcende sa propre définition, telle est sans doute la plus grande réussite de Kill Bill (...) manifeste esthétique qui, finalement, se dévoile comme une déclaration d'amour drôle et fantasque au cinéma d'exploitation des années 70, autant qu'un magnifique portrait de femme." Positif
... Magnifique portrait de femme ????
"(...) Tarantino passe, en souplesse, du noir et blanc à la couleur, de la prise de vue réelle à l'animation (...) Souvent jouissive, l'expérience laisse aussi un arrière-goût bizarre, comme si elle rendait trop sensible le fait que Tarantino préfère définitivement le cinéma à la vraie vie." Télé Ciné Obs
FIN
Il est dommage que les petits plaisirs immondes et immatures de Tarantino aient pris le dessus lors des trois premiers quart d'heures du film, où s’enchaînent des séquences de perversité inutiles et infantiles (séquence animée grotesque, scène de "nécrophilie" débile et sans intérêt, meurtre d'une mère devant les yeux de sa fille...), car dans sa deuxième partie, instaurée par la rencontre avec Hattori Hanzo, le film devient clairement un chef d'oeuvre. Esthétique sublime et poétique, humanisme relatif au chambara d'époque, séquences de combat grandioses, musiques délicieuses, Tarantino retrouve l'honneur "japonais" et son amour mature du genre, qui étaient déjà présents dans Reservoir Dogs. Hélas, malgré une seconde partie merveilleuse, je ne parviens pas à oublier la stupidité de la première, où il semblerait que l'on a confié une caméra à un ado pré-pubère aux fantasmes douteux et puérils. 2/10 pour la première partie, 9 pour la deuxième, c'est terriblement frustrant pour un film qui, comme le prouve la deuxième, avait un fort potentiel.