Une soirée cinéma dédiée à la projection des deux volets du diptyque de Tarantino m'a donné l'opportunité de redécouvrir ce film, vu pour la première fois il y a bien longtemps... Et dès l'ouverture en noir et blanc sur le visage ensanglanté de la mariée, j'ai su que ce serait une expérience.
Bien meilleur, selon moi, que son successeur, ce "Vol 1" fait office d'OVNI dans la filmographie du réalisateur américain. Je compare souvent les aventures de la mariée à celles de Django dans "Django Unchained" car ces deux personnages sont les seuls que Tarantino semble jamais avoir voulu héroïser, présenter comme des héros "classiques" en quête de vengeance. Ici, le but "The Bride" est simple : retrouver et tuer les cinq personnes responsables de sa destruction physique et mentale, en finissant par le fameux Bill. On est donc bien loin des ambitions chorales de "Pulp Fiction", du minimalisme bavard de "Reservoir Dogs, ou du délire série Z de "Boulevard de la mort", même si "Kill Bill" reste très référencé. Parlons donc références.
Comme dans le reste de sa filmographie, Tarantino brasse ses influences de manière apparente pour donner à son bébé une atmosphère propre et immédiatement reconnaissable. "Kill Bill" apparaît comme une sorte de western moderne teinté de vibrations japonaises, de références aux films de yakuzas. L'expérience du cinéma m'a fait me rendre compte de l'incroyable puissance de la B.O, qui invite le style d'Ennio Moricone, du punk-rock (géniales 5,6,7,8's), des sonorités asiatiques, le hip-hop de RZA... Et cette musique n'est pas seulement un moyen pour Tarantino de faire défiler son catalogue d'influences. Elle sert une réelle émotion. Car, tout comme "Django Unchained", "Kill Bill" est étonnamment premier degré, avec un personnage principal tout en charisme (incroyable Uma Thurman), traumatisé (perte d'un enfant, viols...), qui inspire une réelle empathie au spectateur.
Le film est très bien rythmé (ce qui fera défaut à son successeur), et les séquences s'enchaînent (parfois dans le désordre) comme les étapes d'un jeu-vidéo. Cette inspiration vidéo-ludique est particulièrement ressentie dans le combat gore, jouissif, et incroyablement chorégraphié, qui oppose l'héroïne à une armée de yakuzas. Une fois les sbires découpées, c'est au tour des "mini-boss", avant d'affronter le boss final. Et puisqu'on parle du Japon, comment ne pas mentionner les magnifiques scènes d'animation qui présentent le passé d'O-Ren Ishii, la dernière adversaire de la mariée dans cet opus. Tarantino s'inspire de l'animation japonaise pour délivrer des séquences dynamiques, minimalistes, sauvages, poétiques, et totalement intégrées au reste de l'oeuvre.
Mais les séquences "live" ne sont pas en reste. Plans séquences imparables, brusques passages de la couleur au noir et blanc, mélanges de visuels improbables (du "Pussy Wagon" à la froideur de Tokyo), Tarantino créé un univers à part entière pour narrer son histoire de mort.
Le rire est toujours présent, que ce soit à travers les engueulades de deux (faux) barmen japonais, une scène où la mariée ordonne à ses orteils de bouger, ou même dans la première séquence d'assassinat, à la fois cruelle et décalée. Mais le souffle de l'oeuvre ne pâtit pas de ces quelques drôleries, au contraire.
"Kill Bill" est donc un excellent film, premier degré dans son intention, délirant et généreux dans sa réalisation, ses choix de mise en scène, ses visuels, son accompagnement musical. Je me surprends à penser ce "Vol 1" comme un chef d'oeuvre, tant il fait office de "petit film référencé" à côté des classiques de Sergio Leone, ou de grands films de gangsters. Reste que c'est une petite pépite, fascinante et parfaitement équilibrée. Le "Vol 2', s'il conclut l'histoire de manière assez satisfaisante, distille moins bien ses références (aux films de Kung-Fu, notamment) et souffre d'un rythme plus bâtard.