Bulle 'dark/strange/psycho' légèrement raffinée

C'est pas si mauvais. Juste inexistant hors des postures excentriques, aberrant quand ça ose finalement se découvrir. Kill List croit donner dans le Winding Refn poignant (Bleeder, Pusher), en plus snob. Il pense convoquer les tripes, aller loin. Il se plante intégralement. Ce n'est qu'un nanar gonflé à bloc et prétentieux, venu donner la leçon sans avoir l'épaisseur nécessaire, tout en étalant ses fraîches compétences, réelles, vaines.


Bête de festivals en 2011, Kill List s'est évanoui depuis. L'intérêt du film est obscur. Est-il esthétique ? La forme est banale mais acide, jouant l'intégrisme du banal 'menteur' au début, sans y trouver de quelconque matière ajoutée ou installer une crise pertinente. Ensuite la mystification pimpante règne. Est-il divertissant ? Assurément pas et son mélange des genres ressemble plutôt à l'errance d'un objet déniant sa vacuité en multipliant les registres pour passer comme un fantôme ou un copycat dans chacun.


L'enquête réserve-t-elle son lot de suspense ? C'est une affaire de mafia et de réseau étrange, avançant laborieusement. Sur le fond le film ne fonctionne que sur un scénario imprévisible. C'est là sa seule façon de susciter une tension. Le spectateur est mis dans une position agaçante. Il doit attendre ce qui va s'ajouter alors que ce qui est présumé important ne l'est qu'en surface.


Enfin, l'intérêt est-il à chercher du côté d'un point de vue abstrait, d'un message, d'une posture analytique ? Le personnage central est parano à tous les degrés, il y a des connotations politiques stériles (le brave a fait la guerre en Irak : soit, détail relevé, ensuite?) et un cortège d'élucubrations misanthropes pourries, relevées par des rituels renvoyant à toutes sortes de superstitions foraines (jusqu'à parodier le climax de A Serbian Film).


Kill List voudrait être un thriller sombre, avec un sujet grave et audacieux. C'est une pure escroquerie, un uppercut de shocker à la retraite. Quand le film doit s'acquitter du réel, donner un peu de trame, de solide, il nous montre deux hommes butant des trafiquants d'enfants. Mais leur adhésion à la justification morale, tant ressassée, n'est jamais construite. Il ne s'agit pas d'une ambiguïté de leur part, c'est le travail de mise en scène, absent (sinon pour l'embrouille et pour des effets sonores très agressifs), qui conduit à ce manque de consistance dans tout ce qui est entrepris ou présumé ; et donc, jamais rien n'est crédible (mais cela peut sembler épatant).


Ni la fausse vendetta, ni la dérive du héros, ni ses sentiments et ceux de son entourage (sauf sa femme, personnage secondaire). Il est même rare qu'on ressente à ce point le caractère factice, emprunté, d'une œuvre de cinéma, sans que le style, l'originalité ou la richesse de l'univers viennent le légitimer (au sens où la crispation de 'l'original sincère' explique des dehors hiératiques). Le remplissage mesquin et vaguement sophistiqué comme recette, devient le but par défaut. Les adeptes de Lynch, des carnages coréens, des pires déflagrations de Ken Loach et des classiques de l'occulte, s'ils le souhaitent, trouveront des tas d'opportunités de connexion.


https://zogarok.wordpress.com


Autres films de Wheatley : English Revolution, Touristes

Créée

le 24 sept. 2016

Critique lue 459 fois

3 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 459 fois

3

D'autres avis sur Kill List

Kill List
real_folk_blues
7

Père vert de rage

Kill List c’est une très bonne surprise. Voilà c’est dit. Là où je m’attendais à ce qu’on me serve un genre de slasher facile et commercial, je me suis retrouvé en face d’un plat plus fin et goûteux...

le 17 août 2012

37 j'aime

3

Kill List
Sergent_Pepper
8

"If he's got a dog, do we have to shoot the dog too ?"

Petit film bien étrange, Kill List nous embarque avec ses personnages dans une descente aux enfers effroyables et déroutante. Sommes-nous dans le délire du protagoniste, soldat britannique traumatisé...

le 7 sept. 2013

25 j'aime

2

Kill List
Gand-Alf
7

Le contrat.

Second film de film de Ben Wheatley après "Down terrace" et avant "Touristes", "Kill list" se fit grandement remarqué dans les festivals où il fut projeté, offrant ainsi à son auteur l'étiquette de...

le 10 déc. 2013

22 j'aime

2

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2