C'est un bien curieux film que ce Kyrsyä - Tuftland, une production finlandaise qu'il sera bien difficile de ranger dans une catégorie ou un genre bien précis tant le film de Roope Olenius semble s'amuser de ses nombreuses ruptures de ton et de son univers assez insaisissable.
Le film nous raconte l'histoire d'une jeune étudiante tout juste larguée par son petit ami et qui décide de partir se ressourcer dans un village paumé afin d'y apprendre des techniques ancestrales de couture mais également de se vider l'esprit de sa déception amoureuse et de ses soucis.
Le film débute de presque comme un drame social avec cette jeune fille paumée qui conjugue le doute d'une relation amoureuse difficile, des difficultés financières et l'incertitude d'études qui semblent de moins en moins lui convenir. La jeune fille s'enfuit donc pour plusieurs mois et découvre un étrange micro-village reculé vivant en communion avec la nature et dans des règles de vie austères et rigoureuses. Le film exerce au départ une certaine fascination face à ce choc des cultures mais aussi devant l'étrangeté de cette communauté semblant vivre hors du temps et de la modernité comme une secte entre Amish et écolo radicaux. Assez vite cette étrangeté va se doubler d'une menace pesante du fait que cette jeune fille va devenir une potentielle proie aux règles archaïques de cette communauté pour laquelle les femmes sont destinées uniquement au foyer et à la procréation. Les hommes absent la plupart de temps car partis à la chasse vont se révéler être des prédateurs consanguins à moitié débiles et totalement obsédés par l'idée de pouvoir faire des enfants et coucher avec des femmes toutes neuves pour changer un peu des plaisirs qu'ils se font entre eux. L'étrangeté devient donc assez malaisante à mesure que des pratiques de viols et d'inceste font doucement surface.
Cet environnement étrange et malaisant est toutefois compensé par une forme d'humour à froid qui s'impose doucement à mesure que se révèle l'absurdité de ces villageois qui vivent reclus avec des coutumes qui semblent de plus en plus absurdes à mesure du temps, à ce titre la confection de pompons de laine vue comme une pratique érotique est assez amusante. Malheureusement le film sombre doucement dans une sorte de routine léthargique, dans une étrangeté chaotique et dans une incertitude de ton qui empêche de totalement s'y plonger. Le film longtemps fascinant dans son univers semble dans son dernier acte partir un peu à vau-l'eau à tel point que l'étrangeté ne provoque plus de frissons ni de sourires mais simplement une lassitude à force de surenchère. C'est d'autant plus dommage que la photographie du film est vraiment très belle, que le casting est excellent à l'image des comédiens qui incarnent ses hommes bruts de décoffrage et idiots et qui possèdent de vrais gueules de l'emploi et que la musique est elle aussi une belle réussite. Quant à la jeune comédienne Vera W Villo elle est quasiment parfaite dans son rôle de candide découvrant entre stupéfaction , effarement et cynisme les règles de cette communauté qui fait des pompons de laine entre deux viols en famille.
Kyrsyä - Tuftland a pour lui la singularité de son univers nordique, de son étrangeté et de son humour glacial. Dommage donc que Roope Olenius patine un peu sur la conclusion de son film donnant in fine la sensation d'un étrange mais un peu vain exercice de styles.