L'Âme du vin
6.1
L'Âme du vin

Documentaire de Marie-Ange Gorbanevsky (2019)

[Critique publiée dans CinéVerse]

Le dernier documentaire de Marie-Ange Gorbanevsky ne retrace pas la carrière de Vin Diesel, mais la production du vin de Bourgogne.


Tout commence comme dans une chanson de Michel Sardou : la caméra s’ouvre en plan large sur les vignes, la terre, les hommes. Le soleil caresse l’horizon, un cheval de trait trace un sillon millénaire, ce n’est pas le décor du Connemara, mais des domaines du Volnay et de la Romanée-Conti. Une musique médiévale se lance, le documentaire va méticuleusement passer en revue toute la chaîne de production du vin, du labour à la dégustation, en passant par la récolte.


L’œnologie a su donner au cinéma quelques films mémorables, on pense par exemple aux ballades éthyliques du Singe en hiver de Henri Verneuil, ou aux chemins de traverse empruntés par le Sideways d’Alexander Payne. Ken Loach avait également rendu un hommage gouleyant au whisky dans le récent La Part des Anges.


Plus que d’intellect, le vin est d’abord affaire de sensations. Ainsi n’est-il pas aisé d’expliquer le vin avec des mots. Comment retranscrire cette sensation gustative qui parle d’abord au palais ? Malgré les meilleures explications du monde, les meilleures comparaisons, on ne pourra jamais approcher cette réalité qui se dévoile seulement au coin des lèvres. Les explications très techniques du film, nous cueillent directement à froid, et il n’est pas simple de comprendre ce que ces professionnels qui s’expriment à l’écran, veulent bien dire. Leur jargon ésotérique, aussi habité fut-il, n’est malheureusement pas pédagogique pour les profanes qui s’intéresseraient au sujet. Mais peut-être est-ce ici le propre de l’élitisme ? De la même manière, pourrait-on parfois nous reprocher, à nous autres critiques cinémas, nos formules pompeuses et alambiquées à propos du dernier Christophe Honoré.


Cependant, le vin est n’est pas qu’une question de goût. C’est aussi une question de vue. Le vin se décrit par sa robe, sa jambe, sa couleur… La vue, voici un sens que le cinéma, art de l’image, peut éveiller. Pourtant, le film préfère la plupart du temps des plans larges, où l’on ne voit, évidemment, le nectar que de très loin. Il n’y a pas ici de grande ambition cinématographique, et le film n’échappe pas à la réalisation « ORTF » de nombreux documentaires.


La mise en scène se résume à de long plans-séquences fixes, quelques zooms… pas davantage. L’impression de lenteur est pesante, et le montage aurait probablement gagné à être raccourci, car en 1h40, le film parviendrait presque à nous saouler sans que l’on n’ait bu une seule goutte. La réussite technique est plutôt à chercher dans sa prise de son, subtile, ainsi que dans sa photographie qui rappelle dans ses meilleurs moments, les peintures champêtres des impressionnistes.


Néanmoins, l’Âme du Vin donne envie d’aller boire un coup, c’est donc qu’il ne rate pas totalement le sien, de coup. Il faut croire que l’amour du ballon de rouge est communicatif ! Car le film donne la parole à des passionnés, et au travers de leurs mots, aussi confus soient-ils, on comprend que tout ceci n’est pas qu’une histoire de boisson. C’est d’abord une histoire de familles, une histoire de terroirs… en somme, une histoire française.


Dans ces domaines ancestraux, on cultive aujourd’hui comment on cultivait hier. On ne sait pas trop quelle est la réelle part de sciences dans toutes ces pratiques agricoles, quelle est la part de superstitions, quelle est la part de poésie ? Il y a un certain mysticisme qui émane de ce savoir-faire et de leur héritage.


Au fond, l’Âme du Vin est probablement moins une histoire de cinéma qu’une histoire de poètes. Par moment, le film touche la philosophie et la réflexion sur le vivant, quand boire le philtre bourguignon tourne à l’introspection personnelle. Parler du vin, c’est quelque part parler de soi-même, c’est une psychanalyse par les sens, une « psychomagie » dirait Jodorowsky. Au terme de sa dégustation d’un vieux vin, un œnologue du film déclarera : « Sa chair a disparu mais son esprit est resté ». Approcher la métaphysique par les racines de la terre, voici probablement la plus belle réussite du film.

Kieros
5
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le 4 sept. 2021

Critique lue 161 fois

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