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Troisième incursion dans le cinéma de Melville et cette fois c’est la bonne, celle qui me laisse pantois devant le chef d'œuvre vu. Une œuvre intimement liée à son auteur, lui-même résistant, adaptée d’un roman de Joseph Kessel, également sous les ordres de De Gaulle durant la guerre.
Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus… Vous êtes ma jeunesse lointaine.
Car c’est dans cette période d'horreur que le cinéaste a vécu ses moments les plus formateurs, les plus influents sur ce qu’il deviendra par la suite. Et tout ceci apparaît à l’écran, où les valeurs de fraternité et de loyauté sont éclairées comme les seuls qui soient méritantes, alors que la tension est permanente, la paranoïa envers allemands et compatriotes hantant chacun des personnages. Gerbier et son réseau n’ont que faire de vivre et de mourir, il ne leur importe que de résister face au joug nazi. Tout se fait donc dans le plus grand des silences, les paroles n’étant d’usage que lorsqu’il faut faire le point. Si le mutisme me dérangeait dans Le Cercle Rouge et Le Samouraï, il prend ici tout son sens. Les ombres tutélaires tapissent le récit comme l’image, magnifique, et s'immiscent au sein de chaque homme, chaque femme, qui traverse la tourmente, jusqu’à rendre étrangers deux frères qui servent secrétement la même cause.
De la période la plus sombre de l’Histoire récente, Melville tire un ouvrage qui sonde l’esprit humain, ses capacités de résilience et de détermination. Et lorsque tout est dit, que tout est fait, tout est à recommencer, jusqu’à l’inéluctable résolution fatidique qu’une telle entreprise de refus de l’abject entraîne.