Important ses codes "noirs" dans le cinéma historique/de guerre, Melville nous infiltre dans une unité de résistants où l'individualité prône dans le groupe.
Cela s'explique par l'extrême solitude dans laquelle évoluent les personnages de son film. La Résistance y est représentée sans artifices aucuns, sans actes héroïques et moments sentimentaux. C'est cru, les silences sont prenants et les couleurs sombres et métalliques. Partout, ces dernières nous renvoient aux habits de Ventura et ses collègues, aux uniformes allemands et leurs casques luisants. Les filtres et la lumière qu'impose Melville encadre à merveille ces plans et cette photographie parfaite, suitant de bleu et de gris-jaune.
Et grâce à une direction d'acteurs dantesque, ahurissante, ce macabre ambiant ne nous quitte pas. C'est dire si la mort n'est pas à chaque plan, à chaque regard du personnage joué par Lino Ventura. Et surtout, comment oublier cette immense scène, une des plus incroyable du cinéma. Ce débat terrible sur comment en finir avec le traitre, cette mise à mort, cet étranglement par défaut, le silence, les bruits, "je te promets que tu n'auras pas mal", la détresse et l'émotion de "Le masque". Pas de musique avant la fin de la scène, trop beau pour être si cruel. Comme tout le reste de cette oeuvre. D'une froideur et d'un réalisme cru, Melville à son meilleur en cette fin de décennie 60.
Il est intéressant aussi de montrer l'importance de la femme (Simone Signoret) dans ce film. Elle tient tête aux hommes, fait inexistant dans la filmographie du réalisateur, lui et son monde de solitaires et plein de charisme.
La mort du corps par les nazis, la préparation à la mort de l'âme au préalable, ne pas courir, ne pas se soumettre à l'ennemie avant la fin. Réveiller l'animosité et ne pas avoir peur, jamais, pas un seul instant. C'est la seul façon de ne pas mourir. Ne pas courir.
Un chef d'œuvre, entre Samouraï et Cercle Rouge. (malgé la tentative d'exfiltration de Felix qui m'a semblé un peu longue)
Melville au firmament!