L'armée des ombres est incontestablement Le chef d'oeuvre de Melville et sans doute son film le plus personnel, étant lui-même résistant, adaptant le roman de Joseph Kessel.
On se souvient d'abord de ces grands acteurs évoluant dans des décors froids, reflet du pessimisme, du trouble de cette période. C'est aussi un moyen pour Melville d'instaurer une ambiance oppressante où l'on sent l'étau se resserrer sur les personnages au fur et à mesure. Economie de moyen aussi dans les dialogues qui sont tous dans la retenu (laissant souvent la place au silence) mais d'une justesse imparable. A l'opposé de ce calme apparent, certaines scènes sont totalement folles, où notre coeur bat à 100 à l'heure, d'une tension palpable et d'une violente cruauté. Et cette tonalité totalement tragique, grise, faite de meutre de sang froid, de trahison, d'échec, bref d'humanité.
Tout cela accompagné d'une musique, de thèmes inoubliables...
La seule présence chaleureuse de ce film est cette femme exceptionnelle, Mathilde, Simone Signoret, sacrifiée à la fin. Lino Venturo de son côté livre l'une de ses meilleures prestation. Un personnage complexe, aussi impassible qu'implacable. On le sent prêt à exploser,sans doute dû à l'ambiance installé par Melville lors du tournage, les deux ne pouvant se supporter. Meurisse est aussi incroyable dans son rôle de chef de la résistance incognito nommé Saint Luc, reprenant les traits de Jean Moulin et d'autres figures historiques existantes, comme beaucoup d'autres personnages.
Il est intéressant de noter que les résistants dans le film sont traités comme des gangster, s'habillant d'un borsalino ou de grand manteau, vivant dans la clandestinité, n'hésitant pas à abattre un traître sans jugement...genre qu'affectionne particulièrement Melville.
Un grand film noir sur la résistance loin des clichés héroïques.