Plus qu'un film sur la Résistance, L'Armée des Ombres est un film sur les résistants. En effet, c'est une histoire d'hommes, ou plutôt une histoire d'humains puisque l'un des principaux protagonistes s'appelle Mathilde. Mais pas n'importe quels êtres humains ! Des héros, dont on connaît généralement les prouesses au combat, les attentats et le rôle joué dans le marché noir, mais dont on oublie trop souvent le quotidien difficile.
Ce que montre Melville à la perfection ici, c'est qu'il faut du courage pour être résistant et ainsi abattre ses ennemis, mais il en faut encore plus pour s'opposer à ses amis et même les faire disparaître le cas échéant. Le mesure est donnée dès le début du film avec l'exécution d'un jeune membre de la Résistance jugé un peu trop bavard. La cause est bien trop importante pour s'attarder sur des considérations sentimentales. L'Armée des Ombres raconte donc l'histoire d'un groupe de résistants qui, au final, ne se maintient en tant que groupe que pour faire avancer la cause, mais que rien n'unit plus que cela.
C'est cet environnement caché et moins clinquant que Melville cherche à présenter dans son film. Tout au long de celui-ci, la tension est palpable. Pour ce faire, le réalisateur fait le choix de plans longs et pesants, d'une absence totale de musique et d'une voix off morbide et monocorde. Que dire des splendides performances des acteurs ? Ils portent à bout de bras cette ambiance lugubre et se prêtent à merveille au jeu minimaliste exigé ici. Le résultat est une magnifique oeuvre décrivant la Seconde Guerre Mondiale comme nous ne la connaissions pas : sans grandes envolées, sans détails sur les opérations menées, et sans scènes à l'héroïsme démesuré.
L'Armée des Ombres est un film noir mais vrai, qui traite des ces ombres qui ont fait de nous des individus libres.