Le (et mon) premier film de Petri est un dédale visuel, un labyrinthe temporel et exploration de la psyché humaine comme seule l’Italie sait en faire à cette époque.
Au-dessus de tout soupçon, Martelli ne l’est pas, et c’est ce qui permet au système de lui mettre la main dessus pour résoudre une affaire de meurtre à la simplicité apparemment limpide. Au fil d’interrogatoires et d’une reconstitution kaléidoscopique de son parcours, le portrait d’un être lâche, escroc, parvenu et pic assiette social se dessine sans pour autant alimenter les fondements de sa culpabilité.
Dans les couloirs de la police, plus d’échappatoire : les codétenus interrogent, les miroirs sont sans tain, et le refuge dans les souvenirs semble plus propice à la souillure de l’individu qu’à son blanchiment.
Mastroianni, oscillant entre la nonchalance de son personnage social et les élans de panique de se voir démasqué, est grand, à son habitude.
Personne n’échappe à jeu de massacre : les paranoïas s’affrontent, celle d’un état policier peu regardant sur la vérité, celle d’un individu qui sait à quel point il a des choses à se reprocher, et la victime elle-même ne sort pas grandie du portrait qu’on fait d’elle.
Au-delà de l’enquête, le film est un regard porté sur l’incommunicabilité entre des êtres obsédés par leur masque social, jouant une comédie pseudo désabusée qui les empêche de véritablement s’ouvrir à l’autre, une thématique très proche de celle d’Antonioni (et pour cause, Tonino Guerra, scénariste d’Antonioni, est ici à l’écriture).
On retiendra aussi, dans cette copie superbement restaurée, de très belles prises de vues urbaines, d’un cadrage imparable, aux perspectives enfermant les êtres tout en leur proposant des vues sur un lointain aussi esthétiquement séduisant que psychologiquement inaccessible.