Lorsque l'on parle de film de kung-fu, de productions chinoises, ou de cinéma asiatique cape et épées (plus exactement appelé wu xia pian), ce n'est certainement pas à King Hu ici réalisateur de cette Auberge du Printemps que l'on pense en premier, mais davantage aux films de la Shaw Brother, des oeuvres ultra-codifiés et très chorégraphiés, aussi souvent très stéréotypés aussi point d'en être considéré comme kitsch, même parmi les grands noms du genre dont les normes et valeurs exprimés, mais qu'une réalisation parfois petit budget peuvent dérouter un néophyte non-adepte du coup de tatane.
Si j'aborde le sujet de la Shaw avant même de parler du film, c'est que l'oeuvre est à la fois très différente, mais également très proche d'un produit de la fameuse maison de production, utilisant avec justesse les codes du wu xia pian sans donner dans le brouillon sensible à de nombreuses production siglées SB.
Et pour cause, King Hu avait déjà bossé pour la boite, en sortant le cultissime "Hirondelle d'or", la saga la plus chère jamais produite par la Shaw Brother, mais cette fois c'est Sammo Hung Kam-Bo qui s'occupe des chorégraphies.
En terme de ressemblance, on retrouve tout un ensemble habituel de règles du genre :
- Le kung-fu chorégraphié en tenue d'époque,
- Les armes caractéristiques,
- Les méchants mongols contre les gentils chinois (ici les Han en l’occurrence),
- Les femmes fortes, visiblement chères au réalisateur,
- Le soulard pervers,
- Les personnages lambda faits pour donner du volume et de la vie à un lieu.
et j'en passe...
Le tout prenant lieu dans le bâtiment le plus typique qui soit pour un Wu Xia Pian : une auberge, lieu idéal pour provoquer des ascenseurs émotionnels et pour réaliser de nombreuses cascades et mises en scène classique. L'auberge, c'est un peu l'équivalent du hall du théâtre classique, ou de la salle de manoir du film de cape et d'épée européen : un grand classique.
Réalisé quasiment en huis-clos, le tout regorge de bonnes idées et définit une histoire bien construite, plutôt cohérente et prenante, grâce à des personnages au caractère clairement établi dès le début permettant d'exprimer un peu d'empathie envers eux, et un scénario maitrisé dans ses ambitions et nous embarquant tout de même assez loin, le tout mis en scène avec brio au delà même des combats avec une foule de petites scènes chorégraphiées dans les détails. De plus l’œuvre ne se précipite pas dans des combats gratuits et préfère une violence suggérée ou indirecte (le sang est très peu présent par exemple) rendant tout acte de vilénie au mieux cruel, au pire intéressant, rejetant les détails qui auraient pu faire basculer dans un mauvais gout. Loin néanmoins d'être un film de bisounours il nous abreuve régulièrement de scènes de combat du plus bel effet, parmi les plus sympathiques qu'il m'est été donné de voir, un film intéressant et intrigant dont les premières minutes suffisent à se rendre compte de la portée.
En bref, intéressante et prenante, cette Auberge du printemps dont les qualités font masse par bien des points, mérite qu'on s'y attarde pour suivre cette histoire rondement menée par l'un des grands noms du Wu Xia Pian : King Hu.