Faire de l’auberge un point de convergence qui permet à des groupes de prime abord dissociés et séparés géographiquement – ainsi que socialement – de se retrouver autour d’un festin constitue une belle idée scénaristique : le caractère des personnages se révèle en se heurtant à celui des autres, à l’instar de ce voyage inaugural en calèche qui tourne à la farce. Tous sont des stéréotypes : l’épouse infidèle qui tente les vagabonds égarés, le mari colérique et nerveux, le fils sourd-muet plus proche de l’animal que de l’homme, le prêtre et son assistant, des bourgeois prétentieux et creux ; ils s’insèrent dans un contexte historique défini, à savoir la Terreur, suivant la temporalité établie par Honoré de Balzac dans sa nouvelle de même nom. Le film réussit à diluer l’immoralité de ses aubergistes dans celle d’une époque marquée par la cruauté et le règne du sang, un âge populaire en ce qu’il donne le pouvoir au peuple et renverse Église, noblesse et aristocratie.
Aussi, nous assistons, dans L’Auberge rouge version Splendid, à un savoureux jeu de massacre que dessert une écriture appuyée des dialogues – les références aux précédents films de la troupe s’avèrent répétitives et lourdingues – et une réalisation charcutée par le montage. N’est pas Jean-Marie Poiré qui veut, hors période de Révolution française précision néanmoins. L’ouverture du récit hors de l’espace clos du logis offre quelques moments amusants et emploie l’ours pour figurer la menace extérieure, celle d’un châtiment divin ou révolutionnaire. Les acteurs, visiblement heureux de jouer ensemble une nouvelle fois, reprennent les costumes comiques qui leur vont si bien et font leur show. Cela pourra agacer, déplaire. Les critiques assassines, pluie acide, l’attestent d’ailleurs. Cela pourra divertir, aussi et surtout, déclinaison offerte à l’univers d’une troupe dont chaque aventure déconcerte.
Une comédie drôle qui bénéficie en outre d’une atmosphère forte et d’une noirceur appréciable.