Bon, qu'est-ce donc que ce film? Un thriller philosophique? Un Jigsaw post-moderne? Un film sado-maso maquillé? ou alors les trois à la fois? Il s'agit en tout les cas du premier film en couleur d'Alain Robbe-Grillet, et c'est éblouissant! Bien que parfois un peu frustrant. Pour vous donner une idée, essayez d'imaginer Alice au pays des merveilles croisé avec Histoire d'O et vous pouvez avoir une idée de la sensibilité perverse du travail appliqué à ce film.


Petit résumé du synopsis:
L'Eden et Après est un conte hallucinatoire et fantasmagorique, un jeu de miroirs sensuel et violent, une rêverie érotique dans laquelle Violette erre parmi ses désirs les plus profonds, en partant dans un labyrinthe, en passant dans une discothèque, puis une usine désaffectée avec d'énormes cuves industrielles pleines de sperme, avant de se retrouver sur l'île tunisienne de Djerba, avec, bien entendu, un détour par une chambre de torture de la jet-set où les femmes nues des journaux glamour sont crucifiées, ou suspendues dans des cages, Robbe-Grillet emmène son héroïne aux yeux énormes dans une odyssée spirituelle et érotique...


Visuellement, le film est exquis à voir. Son image est bizarre et érotique, vraiment troublante, mais délicieuse. Catherine Jourdan est une très belle héroïne dans la tradition de Justine du marquis de Sade. Elle allie la fragilité avec ses yeux de biche à la Mia Farrow, à la sensualité du blond glacé de Catherine Deneuve. Son amant, Richard Leduc, est indéniablement beau, mais il semble trop doux en apparence pour les jeux sexuels auxquels s’adonnent nos personnages.


Voilà pour ce qui concerne l'intrigue, cependant il y a encore bien à dire sur ce film.


Pour résumer, le terrain qu'emprunte le cinéaste est peu pratique. Une grande partie de l'expérience consiste à regarder les événements se déroulant: la création d'une structure dans le chaos, donnant un sens à la folie. Robbe-Grillet est un réalisateur assez méconnu, malgré le fait que ses films possèdent une certaine réputation, mais il s'agit clairement d'un maître de l'ambiguïté, de la dualité. Bien que la constitution d'un tel récit n'est pas une tâche facile en général, il semble que L'Eden et Après est un film qui a joui d'une réalisation complètement maîtrisée de son créateur, et ça se ressent!


Ce qui est intéressant, c'est que plus le film avance, plus il devient linéaire, un peu comme si on tendait vers la résolution d'une énigme, vers un chaos qui deviendrait ordre, cependant, il n'est pas certain qu'une lecture traditionnelle soit adéquate pour ce film, avec tous ces événements qui se répètent, s'entrelacent. Même sans avoir vu aucun autre long-métrage du bonhomme, on se rend compte qu'une analyse singulière d'un film de Robbe-Grillet se révèle beaucoup trop limitée. Dans les faits, cette œuvre nous offre des pistes à suivre pour de nombreuses interprétations, chaque événement peut ici être interprété par la propre psyché de son auditoire.


Malgré le fait que le film soit pour le moins difficile à déchiffrer, le réalisateur ne manque pas d'inclure une abondance de visuels stylistiques et divertissants. Le film est très érotisé visuellement. Il oscille à travers une série d'images violentes, troublantes et hautement sexualisées, élaboration d'une histoire qui est à la fois érotique et effrayante. Il s'agit d'une expérience de visionnage passionnante, forçant le spectateur à se dépasser dans sa concentration, au travers d'un déluge d'émotions.


Le résultat est un très beau tourbillon d'une histoire qui, malgré son ambiguïté, semble être l'un des films les plus linéaires de Robbe-Grillet, mais aussi un de ses plus difficiles à saisir. Peut-être y a-t-il une leçon à tirer de cela?


Il est difficile de trouver beaucoup à redire sur L'Eden et Après. Le spectateur sera peut-être perdu par l'ambiguïté et la nature non linéaire du film, pourtant il est loin d'être artificiel. Techniquement très maîtrisé, avec ces différentes coupes rapides pour mettre en scènes la complexité de "l'Eden", ou les plans plus larges et ouverts qui élargissent la nature visuelle du paysage tunisien, l’œuvre fait correspondre son style avec la création et le sentiment.


En somme, ce film est une très belle façon de découvrir un pan assez méconnu du cinéma français, le réalisateur étant aussi écrivain, son œuvre ne demande qu'à être parcourue, n'hésitez pas à vous y plonger!

Schwitz
7
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le 24 oct. 2016

Critique lue 777 fois

Schwitz

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