L'Empire de Bruno Dumont : le plaisir de faire du cinéma

A lire les "critiques" de nombre de spectateurs ici s'exprimant, les bras m'en tombent !... Mais comme toujours en art, il y a ceux qui savent voir, et ceux qui ne voient rien ou qui voient mal (sans parler des autres...).

Le film de Dumont est là, bien planté, se tenant bien droit, bien maîtrisé, sûr de lui.

Avec ce film, le réalisateur confirme ce que nous pensons depuis déjà un certain temps : Bruno Dumont est (avec Philippe Garrel), le meilleur metteur en scène en France actuellement.

L'art du cinéma, c'est savoir mettre en scène. Savoir tout mettre en scène. Et parmi ses talents, le plus incontestable est celui de savoir parfaitement diriger ses acteurs !

Et quel sens du cinéma ! Dumont sait faire plaisir : il place son spectateur au centre de sa démarche et se dit : "Je veux faire plaisir aux spectateurs comme je prends plaisir à faire ce que je fais !" Car nous, spectateurs, avons ressenti un plaisir tout au long du film, avec même, pour le dernier quart, un plaisir décuplé !

Cela tient aux jeux d'acteurs donc, et aux charges cinématographiques convoquées pour les confronter à son univers du Nord. L'Empire est bien plus proche de ses premiers films que de ses derniers. Avec L'Empire, Dumont nous dit : "Qu'est-ce qu'on se fait chier dans ce monde !". Il ne se passe rien, ou bien des choses atroces. L'ennui était au coeur de ses deux premiers films... Ancien prof, Dumont a su écouter attentivement ce que lui disait la jeunesse qu'il avait en face de lui. Et le discours de la jeunesse n'a pas changé : on s'ennuie !... Alors pour s'échapper un peu, tenter un petit rêve, tout humblement, on va convoquer le mythe des Space operas (que tout le monde connaît), et on va pouvoir enfin trouver un peu de plaisir ! Voilà ce qu'il a simplement, modestement voulu faire. Et, parce qu'il connaît bien le cinéma, le résultat est tout cinématographique, purement.

On glosera sans fin sur la dimension philosophique du film (cette histoire du bien et du mal, etc.), mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est cette petite fable moderne qu'il nous offre avec beaucoup de tenue pour nous divertir.