En 1985 le chercheur et ethnobotaniste Wade Davis publie The Serpent and the Rainbow. Cette investigation sur le vaudou haïtien met en avant les processus de zombiefication et se repose notamment sur le cas de Clairvius Narcisse. Une poudre contenant de la tétrodotoxine et l'hallucinogène Datura seraient responsables de tels états. Certaines croyances haïtiennes pourraient participer à une mystification et accréditer l'idée d'un retour à la vie après des périodes d'inconscience, voire d'anéantissement de l'esprit et des fonctions végétatives. Ce livre sert de base d'inspiration à un film de Wes Craven sorti en 1988.


Tourné quatre ans après Les Griffes de la Nuit qui ont élevé Craven au rang des maîtres de l'Horreur, The Serpent and the Rainbow est un de ses films les plus contradictoires. Il est marqué par un yo-yo perpétuel entre les enjeux ou gimmicks les plus triviaux (tandem professionnel puis romantique avec la locale instruite et séduisante) et les plus obscurs (les parasites de l'âme !), entre la fantaisie et la vulgarité. Le flirt avec le fantastique pur est à la fois appuyé et prudent, les foucades irrationnelles mais toujours justifiées (ou vraisemblables malgré le choc, ou carrément oniriques) abondent. Une fièvre bis porte le film malgré tout le fouillis que cela induit. Les visions infernales ou 'irréelles', les accès de violences extrêmes, rythment ce chaînon manquant entre Las Vegas Parano (1998) et Dellamorte Dellamore (1994).


À défaut d'être foncièrement brillante, au moins la séance offre un profond dépaysement et maîtrise l'art de surprendre. Après un démarrage exagérément décousu, elle monte en qualité et en ampleur. Sans prévenir, L'emprise s'inscrit dans le genre dont Midnight Express est chef de file (indirect, ce n'est pas un mouvement) : l'agent de Cassidy et sa compagnie (par Bill Pullman, pas très convaincant au début – notons la manie étrange consistant à le montrer en petite tenue) devient un touriste blanc ramené sur 'terre' pour aller droit vers un nouvel enfer. La détresse de l'exilé reste un élément de second ordre, mais le décalage, l'angoisse et la solitude dans un contexte étranger sont mises en valeur avec force et ingéniosité. Les repères perdus ne sont pas seulement culturels ou sociaux, mais tiennent aussi aux sensations et aux flux de conscience.


La facette politique est loin d'être à la hauteur. Les agissements et éructations des gardiens de l'ordre d’Haïti les plus zélés et xénophobes n'ont de valeur que pour aider un 'effet de réel' et éventuellement entrer en résonance avec l'actualité ; le tournage sera justement contrarié par de graves tensions sociales poussant l'équipe à boucler le film en République Dominicaine. Ces mésaventures n'aident pas Craven à développer un propos plus fin – ni plus épais d'ailleurs. Cette absence d'épine dorsale dans les vues politiques met en doute les deux 'cultes' de la préhistoire du cinéaste (The Last house on the left, The Hills have Eyes) et contribuera à tirer vers la médiocrité Le sous-sol de la peur, empêtré dans un revanchisme racial qu'il réussi à crétiniser sans le faire exprès.


https://zogarok.wordpress.com/2016/02/09/lemprise-des-tenebres/

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le 9 févr. 2016

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