L’Enfant rêvé a la noirceur et le romanesque des grandes œuvres de François Mauriac, au sein desquelles les personnages trouvent dans l’interaction avec autrui un corollaire à leurs frustrations : pensons au jeu de séduction sur fond de sacré mis en place dans La Chair et le sang (1920) ou à la nécessité pour l’homme de s’éprouver lui-même au contact de la gent féminine (Le Désert de l’amour, 1925). Le titre du long métrage emprunte d’ailleurs aux thématiques du romancier, quoiqu’il se plaise à les croiser avec l’errance intérieure teintée de schizophrénie des réalistes russes. En résulte une œuvre nerveuse qui se saisit de ses protagonistes comme autant de corps à observer, disséquer, étudier, comme autant de mystère à percer.
Nous regretterons néanmoins que cette approche théorique glisse rapidement dans l’application de schémas et la multiplication de symboles qui alourdissent l’image – l’orgie dans la forêt amuse davantage qu’elle ne signifie. Pourtant, le réalisateur sait ménager ses retournements dramatiques : les ellipses s’avèrent fort bien maîtrisées, de même que l’écriture des dialogues trouve toujours ce subtil équilibre – si rare aujourd’hui – entre la spontanéité qu’exige le milieu (socioprofessionnel essentiellement) et la puissance d’un verbe romanesque. D’excellents acteurs achèvent de faire de L’Enfant rêvé une belle réussite, réflexion intelligente et violente sur la paternité et le désir d’enfant pour s’accomplir en père.