Dans L'Escale, Kaveh Bakhtiari rejoint son cousin en Grèce. Celui-ci vit dans la « pension d'Amir », une maison tenue par un clandestin iranien, qui aide ceux en transition entre l'Orient et l'Occident. Ainsi, Bakhtiari filme le quotidien des clandestins dans un pays où ils sont en danger permanent, jusqu'à ce qu'ils s'en aillent, que ce soit pour retourner dans leur pays d'origine, ou pour tenter de passer en Occident.


Kaveh Bakhtiari, né en Iran, a rejoint la Suisse à l'âge de huit ans. Ce n'est cependant pas le cas de son cousin, que Bakhtiari retrouve à Athènes, où il tente de trouver un passeport pour l'Occident. Le film entier est à l'image des retrouvailles familiales, au début du film, et aux mots du cousin : « tu es déjà en train de filmer ». Ce documentaire est ainsi caractérisé par une conscience permanente de la présence de la caméra et du réalisateur par les personnes filmées, et donc par le spectateur. Bakhtiari est audible, quand il pose des questions, ou, comme lorsque son cousin se trouve une nouvelle fois en prison, pour agir directement sur l'action. Il est aussi parfois invectivé, quand un des clandestins mentionne la présence de la caméra, ou lorsque, dans des moments de tension, on lui demande justement d'arrêter de filmer ou qu'on lui rappelle que sa propre situation est en tout point enviable pour des clandestins. En cela, Bakhtiari rapproche le spectateur de l'action : il pose les questions que le spectateur se pose, mais surtout, Bakhtiari est dans la même situation que le spectateur lamba – il n'a pas connu la situation que les personnes qu'il filme sont en train de vivre, il est en situation régulière, et est, en quelque sorte un intrus dans l'univers des clandestins.

Le film est presque un huis-clos. En effet, à l'image du plus jeune des clandestin, âgé de seize ans, effrayé de sortir dans la rue, chaque personne est susceptible de se faire arrêter à tout moment. Chaque fois qu'un personnage sort, c'est pour être arrêté, ou tenter de partir. Le film se place dans l'optique de donner au spectateur une nouvelle vision de la clandestinité, une vision qui accepte les choix des hommes qui quittent leur pays, et remet en cause la justice grecque. Aucune scène de violence entre les autorités et les clandestins n'est filmée, mais, une fois dans la sécurité de leur maison provisoire, face à la caméra, les clandestins témoignent. Entre anecdote et débat, ils dressent un portrait dur et sans concession de la police grecque. L'un des hommes résume ainsi la pensée de ses camarades : ils sont à la recherche d'un pays dans lequel leurs droits civiques sont reconnus. La proximité extrême avec ces hommes remet en cause les fondements de la pensée que l'homme occidental peut avoir sur l'immigration. Ce que Bakhtiari a vécu en un an dans cette maison, il le condense en moins de deux heures, et parvient à nous faire connaître Amir les habitants provisoires, avant de les voir, un par un, partir. Et si, à l'entente d'idées telles que « le jour où le monde ne voudra plus immigrer en Europe, cela voudra dire que les Européens devront immigrer à leur tour », et de la réponse spontanée d'un clandestin « j'espère qu'ils réussiront », on peut voir dans la salle des gens mettre leur manteau et partir précipitamment, c'est peut-être que l'objectif du réalisateur de nous faire ressentir « avec les tripes », jusqu'à l'asphyxie, presque, l'expérience des clandestins, est atteint, et qu'il a ébranlé un tant soit peu notre conscience.

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le 16 juil. 2013

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LeonardMcCoy

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