Le doyen, voici le surnom de Manoel de Oliveira né en 1908. Il réalise 31 long-métrages entre 1942 et 2012 et 23 court-métrage entre 1931 et 2014.et mort en 2015 à Porto, à l’âge de 106 ans, après avoir connu toute les évolutions du cinéma. On notera notamment Aniki Bobo, sont premier long-métrage (1942) puis Le Soulier de satin (1985) et Les cannibales (1988) pour lesquels il obtient le prix de l’âge d’or, seul cinéaste à en recevoir plus d’un. Et L’Étrange affaire Angélica (2010) (Titre original : O estranho caso de Angélica). L’Étrange affaire Angélica est un drame fantastique, qui raconte l’histoire de Isaac, un séraphade (Juif portugais) qui tombe amoureux d’un cadavre qu’il doit photographier. Oliveira aborde différent thème, l’amour, la mort, la religion, le temps, le cinéma, et la métaphysique ; cette dernière notamment par l’utilisation d’effets spéciaux peut traditionnel pour un long-métrage produit en 2010 : La surimpression.
Pourquoi un cinéaste produit décide d’utiliser la surimpression ?
Dans cette séquence d’envol : Isaac franchi la ligne des photos, depuis le début du film la ligne du fantastique, de l’irréel, de l’autre monde. Arrive ne surimpression Angelica qui l’amène.
« La fiction est une invention de l'esprit, une création humaine. Le cinéma se doit d'être le révélateur d'une actualité. »
Manoel de Oliveira
Deuxième barrière dans le cadre, quand Isaac passe sur le balcon, c’est généralement pour retourner à la réalité, hors c’est en passant sur le balcon qu’il se transforme, passant lui aussi en surimpression. Puis l’envol, parcourant sur toile peinte et glass painting rivières et montagnes, avant de tomber des bras d’Angélica et de se réveiller.
J’ai d’abord pensé que c’était lié à la première écriture du film de 1954, qu’ils s’agissaient d’une sorte de nostalgie pour le cinéma d’avant. En faisant des recherches je suis tombé sur le 20 000 lieues sous les mers de 1954, et même si le budget n’est pas le même, les effets spéciaux reste encore très crédible. La surimpression à été aussi utilisé dans Star Wars, et l’effet, même si il a vieilli reste cohérent dans un film reconnu pour ses effets spéciaux. De plus, l’effet à été tourné en fond bleu. Le film n’a été produit que à hauteur de 2 000 000 €, mais tout de même !
J’en ai donc déduit un parti prit d’Oliveira et je me suis dit que je n’étais pas le seul à mettre posé la question. C’est alors que je suis tombé sur cette interview de « L’express » et j’ai compris :
Oliveira cherchait à rendre hommage à Méliès, qui est le créateur des effets spéciaux, et que depuis « rien de nouveau n’a été inventé ». De plus la surimpression grossière (effet de halo autour d’Angélica) permet de rendre les enjeux thématique de la séquence plus important que les enjeux narratifs. L’approche de la métaphysique, de la matière et de l’anti-matière. Ce qui permet à Oliveira d’aborder la question de la vie et de la mort, de leur limite, par un cinéaste centenaire. Et puis il y’a ce passage, un dialogue entre 2 hôtes et une ingénieur brésilienne :
« L’anti matière n’avale pas la matière : Lorsqu’une particule rencontre sa correspondante dans l’anti-particule, elles se confondent dans une étreinte qui les transforment dans leur essence la plus pure : l’énergie ! »
Le mot « étreinte » fait directement écho à la scène d’envol, puisqu’une fois réuni, ils s’étreignent. Puis la discussion continue sur la rencontre matière—anti-matière :
« Ça ne serait pas du tout une chose spectaculaire, rien des grands effets hollywoodiens ».
Le lien avec la séquence d’envol en surimpression est plus qu’évidente.
Angélica n’est donc que l’opposé de Isaac, comme on le voit depuis le début : Un énorme sourire contre un personnage tout le temps inquiet, une catholique contre un juif, une blonde contre un brun, une morte contre un vivant. Ce passage est pour moi, un pont. Ils nous expliquent les enjeux thématiques du film, et nous résume les enjeux narratifs au service de la thématique, de plus il est la préparation de la mort d’Isaac, ou plutôt de l’unification d’Isaac et d’Angélica.
Une autre raison du choix de la surimpression est sans doute la métaphore de la caméra obscura avec la chambre de Isaac, car la surimpression c’est avant tout retourner sur une pellicule.
Peut-être aussi que c’est un moyen pour Oliveira, qui doit sans doute penser à l’époque qu’il réalise son dernier film, de se rassurer, que la mort n’est que le passage de la matière à l’anti-matière, du corps à l’âme.
L’étrange affaire Angélica m’a finalement plu. Il m’a fallu 3 visionnage en cinéma pour enfin trouver les clés de la compréhension de ce film, assez dur d’accès. À chaque séquence, une autre histoire se mêle, se poursuit et se finit, tout en nous donnant des indices sur la progression du personnage. Chaque séquence a son entité, son entièreté, et chaque séquence nécessite un temps de réflexion conséquent, car les clés de l’analyse changent à chaque séquence, mais c’est un plaisir d’ouvrir à chaque fois des portes sur de nouvelles histoires.
« Être humain et de surcroît artiste, c'est savoir être attentif aux autres. »
Manoel de Oliveira