Développé à partir d'un poème écrit dans les années 80 par Tim Burton lui-même, L'étrange Noel de Mr Jack nous embarque à Halloween-Ville, ville où monstres et autres fantômes célèbrent avec toujours beaucoup d'entrain la fête d'Halloween. Mais cette année, Jack, l'organisateur, en a assez et, en découvrant Noel-Ville, développe une obsession: s'approprier Noel…
Cette année, les morts célèbrent Noel !
Que vois-je ? Que vois-je ? Un chef d’œuvre de Tim Burton ! Que vois-je ? Un film où ca chantonne ? Que vois-je ? Des héros angoissants mais amusants et bienveillants, c’est épatant ! QUE VOIS-JE ?!
Dès l’ouverture de notre œuvre, c’est l’affolement, un monde imaginaire étrange nait sous nos yeux. Horrifique, morbide, un peu effrayant et répugnant, des décors et un visuel inquiétants, L’étrange Noel de Mr Jack a des airs de film d’horreur. C’est alors qu’en quelques secondes, en entendant cette chanson fredonnée par nos monstres, on est rassuré : Henry Sellick ne compte pas faire peur à qui que ce soit.
Alors que notre histoire introduit de nombreux monstres sortis tout droit des studios Universal (sorcières, loup-garou, scientifique fou, monstre sous marin sans doute inspiré du film « L'Étrange Créature du lac noir », vampires), tout sera positif. Sa volonté première : balayer d’un coup de balai de sorcière les préjugés que l’on peut avoir sur les personnes différentes. Nos protagonistes auront beau êtres maladroits dans leur démarche de s’approprier Noel et de la fêter avec leurs propres connaissances, rien ne sera terrifiant ou violent, pire, l’ambiance et la narration ne laisseront pas indifférent.
Aux premiers abords, ses personnages à la morphologie différente les unes des autres, ces cimetières, tombes, chauves souris, araignées, squelettes, spectres hurlants, et autres éléments reportant à la mort ainsi et SURTOUT le visuel en stop motion, déstabilisent. C’est vrai, rappelons nous qu’à l’époque, c’était une première. Les films en stop motion ne couraient pas les rues. Difficile de s’y faire au départ. De plus, on est dans du Tim Burton et ça, il faut l’accepter.
Pourtant, contrairement à son habitude, la vision du réalisateur officiant ici en tant que scénariste, nous offre quelque chose de positif. Nullement question de vous déprimer et de vous donner des envies de vomir. L’étrange Noel de Mr Jack servi par des personnages attachants, tendres et pathétiques, est bardé de bonnes intentions, voulant apporter le bonheur autour de lui, faire le bien tout en vous émerveillant de par sa richesse esthétique truffée de détails minutieux. Un choc visuel. Une équipe de plus de 100 artistes et techniciens, 19 plateaux de tournage, 230 décors et des centaines de marionnettes, trois ans de travail à méticuleusement animer le film image par image, L’étrange Noel de Mr Jack allait bouleverser l’art cinématographique.
Pourquoi cette fête serait-elle la leur ? Tout le monde a droit au
bonheur.
Leçon de tolérance dans l’univers de Tim Burton
Trouver sa place, apprivoiser la mort, cultiver sa différence, s’ouvrir aux autres, prendre soin des autres, oser avouer sa flamme à l’être aimé, tenter de comprendre les choses qui nous échappent, découvrir/faire de nouvelles activités, transmettre sa joie et sa passion, préparer une fête tous ensemble, la solitude pesante, L’étrange Noel de Mr Jack est une jolie quête initiatique presque Shakespearienne d’un personnage voulant sortir de sa vie monotone. Tim Burton, totalement inspiré, laisse libre court à son imagination, sa passion pour la fête d’Halloween, développant le concept, les personnages principaux, le ton et le style de ce bijou du cinéma.
Naviguant entre différents monde : l’un merveilleux, l’autre horrible, le réalisateur, toujours amoureux du gothique et des vêtements en rayures noires et blanches, nous emmène aux cotés d’un épouvantail devant tenter d’expliquer à d’autres morts ce qu’est Noel. Intéressant de découvrir une nouvelle fois Burton définir ce qu’est la normalité, mettant en avant les laissés-pour-compte, les marginaux, le tout dans un raisonnement ultra positif, accompagnées de chansons participant à l’histoire.
Chaque culture, chaque personnalité, changent la façon de concevoir ce qui est bon ou mauvais. Dans l’étrange noël de Mr Jack par exemple, il est amusant de voir que Jack Skellington, remplaçant le père Noel offre pour les enfants humains des cadeaux qui seraient un bonheur pour les habitants d’Halloween Town. Résultat, Burton, comme pour d’autres de ses œuvres, se pose la question : Qu'est-ce donc que la normalité ? Au nom de quoi quelque chose est bon ou mauvais ? Bonheur, malheur, réel, irréel, cauchemar, rêve, mort, vie, il y a toujours un juste milieu entre les deux.
Sans donner une leçon philosophique moralisatrice, Tim Burton, plus passionné que jamais, nous fait réfléchir, dresse un portrait peu flatteur de l’être humain et sa malheureuse tendance à coller des étiquettes sur les gens, ne les jugeant que par leur physique et leur look. Ce n’est pas parce que quelqu’un est « jugé » moche, qu’il est méchant et idiot. Autre réflexion intéressante sur ce personnage s’appropriant quelque chose qu’il ne connait pas, on nous fait comprendre qu'il faut laisser faire les choses à ceux qui savent.
On ne s’improvise pas organisateur de fête de Noel du jour au lendemain, tout comme on ne devient pas pâtissier du jour au lendemain. Jack pensait qu’il ferait un Noel comme les vivants mais manque de chances, ces cadeaux macabres et son apparence loin du père Noel que nous connaissons aura pour conséquence de mettre Jack en danger et de ruiner le Noel des vivants. De quoi vous faire mourir de rire, tout en plongeant, à la fin de l’histoire dans quelque chose d’émouvant et mélancolique. Du Tim Burton comme on l’aime. Pour une fois qu’un film d’animation nous propose une comédie musicale multipliant les chansons « utiles » aux paroles poétiques et aux propos censés, il serait dommage de passer à coté.
Il y a sûrement une façon logique d’expliquer cette fête bizarre.
Au final, L’étrange Noel de Mr Jack c’est un petit chef d’œuvre mêlant poésie, curiosité, magie, originalité, horreur, humour, émotion, et gothisme. Beaucoup de monstres divers et variés, des personnages sympathiques, de l’humour noir bon enfant, de nombreuses chansons amusantes, une musique séduisante, féérique et variée composée par Danny Elfman, un visuel et des décors fascinants, une stop motion bluffant de réalisme, des messages inspirants, Tim Burton et Henry Sellick signent là un conte associant à merveille Halloween et Noel.