S'il y a bien un film qui m'a foutu la trouille, c'est celui-là ! Mais pour deux raisons totalement différentes et à deux périodes de ma vie bien éloignées.
Premier épisode : 1980. J'ai une douzaine d'années et en l'absence d'autorité parentale à la maison ce soir-là, je décide de regarder à la télé ce qui sera mon premier film d'épouvante. J'avais eu affaire quelques années plus tôt à Mitchum en faux prêcheur dans la Nuit du Chasseur mais on n'est quand même là assez loin du véritable film d'horreur. Avec L'Exorciste, j'entrais dans un monde inconnu...Celui des visages déformés par les effets spéciaux, des outrances diaboliques, des bruits inquiétants et des coussins sur la tête ! Le coussin ! Accessoire indispensable (du moins pour moi) dans de telles circonstances. On peut faire sans bien sûr, et juste fermer les yeux mais le coussin à cet avantage non négligeable de te protéger le visage au cas où la monstruosité qui apparait soudain à l'écran venait par le plus grand des hasards à traverser ce dernier pour te griffer le visage ! Bref, le coussin offre une barrière opaque, amovible à souhait et en plus sa douceur réconforte dans les moments de trouille absolue. Tout ça pour dire que je ne me souviens plus très bien de ce film vu que j'ai passé l'essentiel de mon temps caché derrière ce fameux rempart. En revanche, j'ai un très bon souvenir de la bande son (quand on tient un coussin, impossible de se boucher les oreilles) et s'il y a bien un film qui est flippant à entendre c'est celui-ci : la musique de Mike Oldfield qui pose l'ambiance, les imprécations du prêtre et bien sûr les vociférations, rires, grognements, plaintes, injures et autres bruits en tous genres proférés par cette satanée Linda Blair.
Cette première rencontre avec ce film fut, je m'en rappelle encore, un moment de cinéma éprouvant.
Mais rien de comparable avec la seconde !
Deuxième épisode : 1999. Vingt ans plus tard, un samedi soir, je décide un peu à l'improviste d'aller avec mon jeune fils au ciné. Stuart Little de mémoire, vous savez la petite souris blanche sympathique qui fait ami-ami avec un adolescent. Le film parfait à aller voir avec son fiston d'une dizaine d'années à peine. Sauf que, embouteillages sur la route, difficultés à se garer... on arrive à la caisse des Gaumont avec un bon quart d'heure de retard. Mais tout le monde le sait, il y a toujours un quart d'heure de pub ! La caissière m'assure que le film ne fait que commencer. Allez, on prend les billets et salle 1 !
(Petite parenthèse, je déteste être en retard quand je vais voir un film et aussi tolérant que je puisse l'être, je reste peu indulgent à l'encontre des retardataires qui me gênent quand un film commence. Bref, nous étions en retard )
Avec mon fiston, on rentre dans la salle. Surprise !, passé les première secondes à s'habituer à l'obscurité on constate : 1- que le film a effectivement commencé et 2 - que cette immense salle (la plus grande) est pour ainsi dire complète ! Pleine à craquer ! Et difficulté supplémentaire, je cherche deux places côte-à-côte, autant dire mission impossible tant la densité de personnes impressionne. Soudain, à la faveur d'un éclairage plus important provenant de l'écran, je vois deux places vides espacées de quelques mètres. C'est en plein milieu de la salle mais bon, que ne ferait pas un père pour assurer une bonne soirée ciné avec son fiston ? Ça ne me plait guère de déranger tant de gens mais allez, c'est parti ! On fait se lever (ou se tortiller) une bonne vingtaine de personnes et on accède enfin aux places convoitées, non sans avoir demandé à une poignée de spectateurs s'ils voulaient bien glisser d'une place afin que nous puissions être côte-à-côte mon fils et moi. "
Nous voilà installés. Le film a déjà commencé. Et mon cerveau se met en marche : d'abord pour entrer dans l'histoire et - instinctivement, pour repérer deux trois trucs qui ne collent pas... D'abord j'inspecte rapidement autour de moi : aucun môme ! Moyenne d'âge, la quarantaine ! Hum, cette histoire de souris avait plutôt bonne côte mais quand même, que des adultes !... Deuxio, en faisant mon tour d'horizon, je croise les yeux de ma voisine de gauche qui me tance d'un regard on ne peut plus désapprobateur. Ben quoi ? C'est pas parce que je l'ai déplacée d'un siège que je mérite un tel regard assassin, si ? Et si c'était autre chose ?? Bref, je reviens au film, bizarre cette ambiance, pas très fun pour une comédie souris-ante. Mon fils, lui, est en plein dedans ! Et puis cette musique ? .... Et tout à coup, qu'est ce qui me revient à l'esprit, comme une madeleine (de Proust) au goût doux-amer !? Mon coussin ! La dernière fois que j'ai entendu cette musique c'était pour quel film déjà ? Je cherche, je cherche tandis que mon esprit forge l'hypothèse désormais la plus probable : on s'est trompé de salle ! Mon sang ne fait qu'un tour. Je me penche vers mon voisin de devant (je n'ose pas affronter le dragon de gauche). "S'il vous plait monsieur, ce n'est pas Stuart Little dans cette salle?" Sa réponse tombe comme un couperet : "Du tout. C'est la reprise nationale de l'Exorciste" Oupssss !
"Fiston, on s'est trompé de film, il faut qu'on sorte de là !"
Évidemment, dérangement général ! La dame me lance un regard noir dans lequel je perçois quand même son approbation à me voir renoncer de montrer ce film à un si jeune garçon.
Une fois dehors, retour en caisse. "Désolé madame, on s'est trompé de salle. Pouvez-vous nous orienter vers la bonne ?" "Bien sûr monsieur, vos billets pour vérification ?" Je fouille dans ma poche en quête de mon porte-feuille où j'avais glissé les billets... Rien. Pas de portefeuille. Je cherche et recherche mais dois rapidement me rendre à l'évidence : il a dû tomber lorsque je me suis délesté de ma veste dans la salle. Hum...
La fille de caisse est sympa : "je garde votre fils le temps que vous alliez voir dans la salle !"
Et me revoilà dans la grande salle. La musique de Mike Oldfield, les gens concentrés sur le film, et la rangée, la longue rangée, en plein milieu, avec nos deux petites places vides...et le dragon ! Courage.
"Excusez monsieur, excusez-moi madame, désolé, excusez-moi..." vingt fois. Où est ce fichu portefeuille ? Je cherche dans le noir - on n'avait pas de portable à l'époque - je fouille... je demande devant s'il ne serait pas tombé à leur niveau ? Je sens que ça grogne... mais c'est pas dans le film ! Linda Blair est encore la charmante petite fille du début de l'histoire. La dame en revanche serait prête à m'exorciser sur le champ : Satan, sors du corps de ce spectateur insupportable ! Je retrouve ce foutu portefeuille et c'est parti pour la dernière ligne droite ! Pardon, désolé... etc.
De mémoire, on a abandonné l'idée de voir Stuart Little, vingt minutes de retard ça commençait à faire beaucoup... On l'a vu plus tard.
Voilà, ce sont mes deux expériences tout à fait terrifiantes de ce film qu'il me faudra bien revoir un jour, quand je serai plus vieux, devant ma télé, avec mes petits enfants (?) et quelques coussins !