Un film intéressant mais des erreurs.

Le film est très intéressant à certains égards : on peut y voir quelques scènes d’archives (mêlées à de pseudo archives tournées en noir et blanc). Je ne me suis pas renseigné sur les chansons qui parsèment le film, ça ressemble à un groupe moderne aménageant des textes plus anciens ; le résultat est agréable à écouter.
Le fil conducteur est la création de Solidarnosc – syndicat indépendant des travailleurs polonais – en 1980.C’est pour ma part la date que j’avais retenue lors de mes études. Le scénario, lui, revient aux origines de la constitution de ce syndicat ainsi qu’à sa finalité.
Pour les origines il faut partir de 1970 : le régime de Gomulka décide en décembre 1970 une hausse très importante des prix sur la plupart des produits de première nécessité. Les ouvriers des chantiers navals (notamment à Gdansk, mais aussi dans bien d’autres villes) et des autres secteurs de production – déjà acculés par une misère latente – se mettent en grève et prennent la rue. Le gouvernement envoie l’armée qui tire sur les manifestants. Le film n’indique pas le nombre de morts, par contre on voit les tabassages, puis les pressions faites sur ceux qui étaient considérés comme meneurs. Lech Walesa en faisait visiblement partie. Pour sortir des geôles polonaises il signe tout un tas de déclarations dont une – essentielle – à savoir son engagement à collaborer avec les autorités.

Durant les 10 années qui ont suivi ce massacre, la classe ouvrière s’organise dans la clandestinité, en publiant tracts et journaux dans d’improbables locaux. L’implication de Walesa est complète, il agit en militant ouvrier, aidant à la rédaction ainsi qu’à la distribution des journaux. Ce qui lui vaut de réguliers passages en prison et un jeu constant de licenciement-embauche. Bref, il aurait fait un peu tous les boulots pour subvenir aux besoins de sa famille, sans renoncer à la conviction d’un syndicat indépendant.
En 1980 les chantiers navals de Gdansk débrayent, c’est la grève. Le film nous montre une grève dure. Les ouvriers réclament une hausse de salaire, le droit à la libre organisation, l’érection d’un monument aux victimes de 1970 et la réembauche d’Anna Walentynowicz. Concernant ce dernier point on peut dire que le film est extrêmement lacunaire (et d’une certaine façon faux historiquement). En effet rien n’est dit sur cette femme, hormis qu’elle était âgée et venait d’être licenciée.
Il faut rétablir les faits : Anna Walentynowicz était une militante à l’avant-garde du mouvement ouvrier et elle n’a cessé de se battre sans relâche pour que Solidarnosc puisse voir le jour. Il est faux et surtout stupide d’affirmer qu’une organisation soit le fruit d’un seul homme, qu’il suffit d’un bon tribun pour que les revendications se concrétisent en monnaie sonnante et trébuchante. Rappelons tout de même ces sages paroles : « Il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni César, ni tribun. »
Et là est le principal défaut du film : Walesa présenté en sauveur suprême.
Cette grève de 1980 s’étend à de nombreux secteurs. Des négociations ont lieu, avec Walesa (ce qui est logique puisqu’en 70 il s’était engagé à travailler avec les autorités – bon la remarque est un peu méchante, j’avoue… mais…). Et c’est la reconnaissance par le gouvernement polonais de Solidarnosc.
Pour ce qui est de la finalité, le film nous laisse entendre qu’un syndicat indépendant est un syndicat « libre ». Ce qui est vrai, mais qui ne veut pas dire grand-chose en l’état. Précisons qu’un syndicat libre n’est inféodé à aucun parti, on comprend l’importance de ce point dans un régime dit autoritaire, c’est-à-dire un régime qui entretient la confusion entre intérêts de la classe dominée et intérêts de la classe dominante (qui était à l’époque la bureaucratie polonaise).
En somme, le syndicat indépendant – en l’occurrence Solidarnosc – représente les intérêts de la classe ouvrière, indépendamment de tout impératif national.
Ces impératifs étaient en 1980 pour le gouvernement polonais la nécessité d’accroître la productivité à moindre coût. Aujourd’hui ils sont, au sein de l’union européenne, le remboursement d’une prétendue dette sur l’autel d’une crise sans précédant.
Pour résumer, c’est un bon film qui fait écho à notre situation mais qui a quelques lacunes grossières.
A voir !

Jimhar
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le 19 août 2015

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