Ce qui frappe en premier, c’est la volonté de non-fictionalisation du film. Dumont ne cherche pas à raconter une histoire, à nous épargner les moments creux de l’existence pour un tirer un contenu compact, comme on en a l’habitude. La vie nous est montrée dans tout son ennui, sa lassitude, sa monotone banalité. Ce qu’il nous montre, c’est l’immontrable, l’insupportable lenteur de notre propre ennui, ces instants de vie dont on oublie instantanément la vacuité mais que Dumont nous rappelle impitoyablement. L’image se refuse à la narration, elle impose, elle assène. La minuscule du titre dit tout : ici pas de grandeur, pas de geste héroïque. Des hommes, dans leur trivialité la plus désarmante.
On pourrait parler de naturalisme. Dumont sonde méticuleusement une portion d’humanité, créant une image crue jusqu’à l’insupportable. C’est L’Origine du Monde de Courbet, dont on ne peut soutenir le regard de ces poils fiers. Longs plans fixes, dialogues presque inexistants, rien n’est là pour détourner notre attention de cette humanité. On abandonne le psychologisme de la fiction contemporaine pour plonger dans le fait pur. Comme un élan de fiction sauvage, nu et débridé.