L'Île de Giovanni
7.2
L'Île de Giovanni

Long-métrage d'animation de Mizuho Nishikubo (2014)

Au moment où tu bénis ce maudit rhume qui a indirectement équipé ta poche du paquet de kleenex® que tu dépouilles subtilement de son contenu pour un tamponnage d’yeux mouillés en mode Splinter Cell, tu sais que tu viens de te faire avoir par un petit film d’animation qui ne payait pourtant pas de mine. Les claques de ce calibre se comptent sur les doigts d’une main, la référence intouchable étant bien évidemment le tombeau des Lucioles, chef d’œuvre de Takahata quand ce dernier ne jouait pas encore du crayon sur les Barbies de ses petites filles. Alors quand l’une de ces gifles force la barrière lacrymale que tu retenais pourtant derechef depuis 5 bonnes minutes, il devient difficile de la renier aussitôt, même si l’envie de jouer au gros dur analytique se fait pressante pour oublier le moment de faiblesse que tu viens d’accuser.


Il est vrai qu’une fois les yeux séchés, le cœur en guimauve repassé au four après révision de son châssis pour du plus costaud, l’esprit alors réalimenté en cynisme rassurant décèle rapidement les quelques petites facilités de l’île de Giovanni. Quelques artifices propres à ces dessins-animés qui jouent sur la corde sensible, et font durer les plans lorsqu’ils dessinent la tristesse. La seconde moitié de film annonce clairement cette intention d’aller conquérir la larme : le récit se fait un peu plus cavalier (la maîtresse d’école qui appuie les garçons dans leur vaine entreprise) et l’intelligent recul qui permettait à Mizuho Nishikubo d’abolir avec finesse les frontières érigées par les intérêts d’une guerre s’estompe petit à petit pour laisser plus de place à un drame familial qui mise un peu trop sur l’émotion qu’il inspire.


Mais voilà, quand ce frère courageux continue d’endosser son rôle de protecteur alors même que le sort lui a ôté tout pouvoir de décision, la gorge se serre. Quand le souffle fragile de la vie vacille, toute la puissance émotionnelle du film de Mizuho Nishikubo s’exprime à l’écran. Le travail de sape que l’auteur a consciencieusement déroulé, en laissant une grande part de son temps d’image à la construction de ses personnages, porte ses fruits. La très belle construction narrative qui a été de mise pendant la première heure, à l’occasion d’une touchante histoire de cœur naissant entre les rejetons de deux cultures qui se font la guerre, prend tout son sens. Pareil à un Kiss-Kool de la bonne époque, elle frappe les esprits en deux temps. Par le respect qu’elle inspire de prime abord en tant que bref rappel historique irrigué par un sous-texte passionnant à propos d’une facette de la reddition japonaise assez peu connue du monde occidental (des ignares comme moi tout du moins). Et par l’émotion qu’elle se permet de faire naître ensuite, lorsque les attachantes petites bouilles des deux protagonistes se retrouvent prises entre des barbelés menaçants, pour un tête- à-tête avec ce père au visage fermé qui livre enfin ses sentiments à ses deux précieux, quitte à défier le tranchant d’un métal implacable de sa fine joue dont la rugosité n’est qu’apparence.


Il manque peut être à l’île de Giovanni un score plus travaillé, une simplicité dans l’émotion qui lui enlèverait son poil trop plein de misérabilisme et un coup de crayon un peu plus personnel pour toucher de la mine la justesse du Tombeau des Lucioles. Mais en l’état, il reste tout de même assurément l’un des animés les plus émouvants qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années, et le film d’animation que j’ai préféré en 2014. Une jolie surprise qui mérite amplement la découverte.

oso
8
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le 30 janv. 2015

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oso

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