Grotesque !!!!
Un des films les plus grotesques que j'ai vu depuis longtemps : un casting qui fait rire, une réalisation où rien ne nous est épargné (les ralentis, la musique classique, les effets "un brin" appuyés...
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le 30 mai 2011
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Après trois métrages assez faiblards, Richard Berry nous propose ici un film de gangsters sombre et violent dans la même veine que les polars et films de mafieux d'Olivier Marchal. Je trouve que le film est globalement assez mésestimé par le public alors que pour une fois nous avons affaires à un quelque chose qui tienne un minimum la route pour une proposition française du genre avec moins de 20 millions d'euros de budget. Néanmoins, cela peut se comprendre car effectivement, s'il y a des qualités indéniables dans ce film, il y a aussi des erreurs dommageables et des choix artistiques très malheureux.
Commençons par le positif. Tout d'abord, l'écriture est un peu moins avare que d'ordinaire. Dans le genre des films d'actions policiers on est habitué à avoir un scénario qui tient sur un coin de nappe et qui consiste à essayer de joindre tant bien que mal des séquences de « pan-pan boum-boum » au travers d'un fil directeur ténu sur fond de braquage ou de vengeance. Ici, Berry parvient à étoffer son histoire de vengeance avec une sorte de mythologie du microcosme mafieux marseillais. On sait qui est qui et à quoi s'attendre avec tel ou tel personnage. La famille prend une place plus importante dans ce métrage avec notamment plusieurs scènes qui montrent la vie privée des protagonistes, que ce soit celle de Charly Matteï ou bien celle de l'officier Goldman. Le traitement des personnages est assez réussi dans l'ensemble, ce qui donne un résultat plus marquant.
Si je prends l'exemple du dernier Marchal - d'un niveau assez médiocre pour le coup -, « Bronx », que j'ai vu il n'y a pas si longtemps... eh bien je suis incapable de dire quand est-ce que je l'ai vu, ni comment s'appelaient les personnages, ni quels étaient les enjeux de l'intrigue. J'ai déjà tout oublié tant l'écriture était superficielle et peu impactante. Je ne me souviens que d'un Jean Reno vieillissant et inexistant, une histoire d'argent et de cocaïne, une séquence de fusillade de nuit où l'on ne voyait absolument rien et un grand méchant noir qui fait assassiner tout le monde à la fin. Le métrage de Richard Berry me paraît bien plus généreux au niveau de l'écriture et du traitement de la thématique et des personnages. Dans « L'Immortel », Reno est bien plus convainquant dans son rôle et les dix ans de moins au compteur aident beaucoup. Les personnages secondaires sont également plutôt bien traités et utiles à l'intrigue, que ce soit le clan Matteï ou le clan Zacchia.
En outre, le film n'est pas farouche face à la violence qu'il montre. Nous sommes loin de la violence aseptisée et des hommes indestructibles qui n'ont jamais mal et ne saignent jamais. Je pense notamment à cette scène d'évasion du poste de Police dans « Balle perdue » où Alban Lenoir se fout sur la gueule avec tout le commissariat pendant 10 minutes sans trop de difficultés visiblement alors que personnellement il suffit que je me cogne le petit orteil pour boiter pendant 4 heures. Ici, chaque coup porté est ressenti, chaque balle tirée provoque une hémorragie, chaque exécution est irrévocable. La mise en scène est efficace de ce côté-là. Chose que j'ai trouvé appréciable, c'est ce jeu de jonglage entre le registre comique et tragique dans la violence du métrage. Certains n'ont pas supporté cet effet-là, et il est vrai qu'à l'échelle globale de l'œuvre il est parfois difficile de savoir de quel côté tire le métrage, mais si on concentre ce procédé sur le seul traitement de la violence, le résultat transcende quelque chose d'assez jouissif. Particulièrement, le personnage joué par Luc Palun est absolument succulent : ce côté sadique qui rend mal à l'aise tous les autres personnages ne sachant jamais comment réagir avec cet excentrique tantôt dans la rigolade malsaine, tantôt dans l'agressivité pure et simple.
De manière générale, la distribution est très bien gérée malgré le nombre important de protagonistes et personnages secondaires. On a un Jean Reno très solennel dans son rôle de parrain de la mafia marseillaise ; un Jean-Pierre Darroussin peut-être moins en forme que d'habitude mais très juste tout de même dans sa fonction d'avocat le cul entre deux chaises ; un Philippe Magnan absolument génial dans le rôle du fonctionnaire de l'État arriviste qui s'octroie tout le mérite acquis par ses subordonnés ; Lucie Phan et Moussa Maaskri sont assez touchants en tant que fidèles du clan Matteï prêts à se sacrifier pour la cause... Même Kad Merad, si on parvient à dissocier son image de guignol des comédies françaises bien grasses, n'est pas si ridicule que ça. Son personnage manque peut-être un peu d'assurance dans son écriture et il est vrai que la séquence où, prit de fureur, il fracasse son propre stock de coke avec une chaise Ikea est totalement risible et débile. Mais on ne peut pas enlever l'originalité de ce personnage : parrain de la mafia hypocondriaque et bègue, pourquoi pas ? Cela le rend encore plus détestable et dangereux puisque derrière cette façade de mec fragile se cache une véritable ordure sans aucun scrupule. Et puis cela nous permet d'avoir cette superbe séquence où Luc Palun singe malicieusement le comportement de son patron. Cependant, la confrontation finale entre Merad et Reno est vraiment bien mise en scène, on sent monter la tension et le jeu des deux acteurs est convainquant.
En définitive, c'est Marina Foïs qui présente le plus de difficulté à endosser son rôle. Elle semble un peu trop inexpressive et détachée pour un officier en charge de cette affaire complexe et violente, elle-même veuve, alcoolique et devant assurer la gestion d'un famille monoparentale. On y croit beaucoup moins. C'est aussi elle qui nous afflige des pires dialogues du film, d'où le titre de cette critique. L'écriture de ses répliques est assez pauvre et son personnage passe vraiment pour une bleue - pour rester poli. Quant à JoeyStarr, son apparition est totalement anecdotique. On sent que Berry a seulement profité de sa notoriété et exhiber un autre nom rentable sur son affiche. Son personnage est évoqué plusieurs fois, on le voit apparaître à l'écran le temps d'une minute mais concrètement le film aurait pu se passer de sa présence. Tout comme les séquences d'analepse, qui sont fortement dispensables et n'apportent rien à l'intrigue, si ce n'est pour desservir la direction artistique puisqu'elles sont filmées différemment et dénotent vis-à-vis de l'ensemble. Ce sont d'ailleurs les seules séquences où la photographie est propre et lumineuse.
Malheureusement, « L'Immortel » possède des défauts et erreurs vraiment rédhibitoires qui laissent de temps à autre le métrage flirter avec l'univers des nanars. Si le maquillage et le faux sang sont réussis, le budget ne semble pas avoir suffit à donner des séquences d'actions vraiment marquantes. On aperçoit avec beaucoup d'aisance que les courses-poursuites sont accélérées, faute d'autorisation de tournage ou faute de cascadeurs pilotes. Le montage est parfois assez catastrophique, sublimés par des ralentis dégueulasses comme dans cette séquence en début de film où Aurélio (Richard Berry) loge une balle dans la tête du mec qui a ramené de la coke dans sa discothèque. Ce genre de ralentis devrait être interdit. On a également quelques aberrations venant littéralement avorter une action en cours comme lorsque l'officier Goldman et son coéquipier abandonnent leur véhicule pour poursuivre à pieds les assaillants qui sont eux, sont motorisés. On ne comprend pas trop pourquoi. Est-ce une grossière erreur d'écriture ou bien l'incapacité physique et financière d'enchaîner sur une course-poursuite ?
En conclusion, même s'il y a de nombreux défauts, « L'Immortel » demeure un bon petit film mafieux français. Il y en a des plus qualitatifs, mais il y en a surtout beaucoup qui sont moins bons encore, et surtout moins impactants. Finalement, on suit attentivement la vendetta de Jean Reno qui élimine un par un, comme il l'avait promis, toux ceux qui osèrent s'en prendre à lui en pleine retraite criminelle. Le métrage nous offre tout de mêmes quelques scènes de violence ou d'action très correctes : le passage à tabac de Karim, l'explosion de la maison des Matteï - furtive mais proprette -, Martial Bezot qui baigne dans son sang avec une balle dans chaque pied... Le film n'est pas ridicule, on aura vu bien pire dans le genre en France pour un budget parfois plus élevé. Du début à la fin, c'est avec plaisir que l'on assiste à l'histoire de Charly Matteï, le tout sur fond de musique d'opéra : c'est bien connu, tous les mafieux écoutent de l'opéra. Des erreurs, des clichés et des maladresses... mais on pardonnera à Richard Berry qui nous a proposé cette fois-ci quelque chose d'un autre niveau en comparaison avec ses trois premiers longs-métrages.
Créée
le 10 déc. 2020
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