Je ne connaissais pas Larry Peerce, ni son film "L'incident". Cette honteuse lacune est dorénavant comblée. "L'incident" pose de façon brutale la question de la non-assistance à personne en danger, du détournement pudique du regard devant une agression. Le film date de 1967, mais son sujet n'a jamais été autant d'actualité qu'aujourd'hui.
J'y vois une critique de notre société en perte de repères et de plus en plus cloisonnée, où des valeurs comme le respect, l'altruisme, la solidarité, sont en train de disparaître, au profit d'un individualisme et d'un égoïsme de plus en plus assumés. L'autre n'est plus mon semblable, juste un "autre", un "étranger" dont je n'ai que faire ; voilà une façon de penser qui gangrène notre société. J'exagère ? Des jeunes qui imbibent d'essence un clochard et le regardent brûler pour le fun ; des femmes agressées sexuellement en pleine rue ou dans le métro, sans que personne ne réagisse ; des témoins qui filment des agressions avec leur téléphone portable, au lieu d'intervenir... Les exemples sont légion…
Dans le film, l’exemple pris est d’une grande banalité : deux jeunes connards qui terrorisent les passagers d’une rame dans le métro new-yorkais. Mais Peerce ne se contente pas de la violence. Il développe son histoire de façon intelligente et subtile : il prend la peine de présenter les différents protagonistes avant d’entamer son huis-clos métropolitain. Tous convergent vers l’épreuve de vérité : se comporteront ils avec courage ou lâcheté ?
Le constat est sans appel. Seuls les plus âgés tentent de protester - ils représentent les valeurs citoyennes perdues - mais sont impuissants devant la brutalité des deux petites frappes. Les autres demeurent indifférents tant qu'on les laisse tranquilles et/ou tant que les personnes visées appartiennent à des minorités méprisées (le clochard, l'homosexuel, le Noir/Blanc), ou appartiennent à la gente féminine, car la femme doit savoir rester discrète pour éviter les ennuis... La philosophie de ces lâches se résume à : "C'est pas nos oignons ; ça ne nous regarde pas"...
Tous les passagers font preuve de lâcheté ou d'égoïsme à un moment ou un autre. Le Noir, raciste, se croit même au spectacle, tant que ce sont des Blancs qui se font agresser... Vision très sombre de la société... L'Homme est-il bon ? Larry Peerce répond par la négative dans ce film très pessimisme sur la nature humaine...
Dans toute cette noirceur, un peu de lumière se fait, lorsque le jeune militaire au bras plâtré finit par s'interposer, malgré son handicap. La violence va souiller le peu qu'il reste d'Humanité dans la rame. Alors peu importe les coups... Mais il est bien seul... Aucun passager ne bougera pour lui venir en aide…
Merci Monsieur Peerce pour cette leçon de civisme, pardon, pour cette claque dans la gueule.