Pas de finalité…
Certes, on en convient, l’argent ne fait pas le bonheur. Mauvaise nouvelle, ça, on le savait déjà… Dire que certains tuent pour éviter de passer pour des cocus ou encore que la corruption est monnaie...
le 21 déc. 2012
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Après The Housemaid, Im Sang-Soo poursuit dans la représentation d'une haute-bourgeoisie tyrannique. Do-nui mat, kitschissement et donc adéquatement traduit à l'étranger (The Taste of Money aka L'Ivresse de l'argent) laisse de côté toute prétention formelle au réalisme ou au moralisme – quoique son auteur estime que l'outrance « baroque » soit nécessaire pour peindre fidèlement ses sujets. Avec cet opus il frappe plus fort dans tous les sens du terme, en étant à la fois plus agressif et puéril, en voyant plus grand tout en se vautrant allègrement dans les facilités.
La famille de nantis jouit d'une position bien plus intéressante que celle de The Housemaid (à laquelle il est fait référence – après tout c'était le remake d'un film de 1960). Ses liens avec la société sont mis en valeur, les enjeux dynastiques sont complètement matériels, les préoccupations existentielles se sont tellement érodées que même la cruauté est plus douce. La confrontation à la mort devient bénigne : un accident regrettable en somme. Le lot de complications liés au pouvoir et à son exercice est tellement accablant que ses acteurs perdent de vue les côtés ludiques de la chose. Et surtout on s'entre-déchire entre riches, en famille : ça sent à peine l'apogée que le pourrissement est à l’œuvre.
En face les victimes et serviteurs ne sont pas plus valables. Les seuls membres de la plèbe parvenus ici sont attirés par le luxe et se verraient bien couvés par les grosses fortunes ou les puissants, sans plus. Dans Housemaid, les domestiques étaient là par défaut, éventuellement par candeur. Le successeur de la petite bonne un peu cruche, infantile, est un homme ambitieux et réactif, quoique manquant d'aplomb. Dès la première scène ce jeune chien niais est initié à la corruption. Il n'aura jamais d'états d'âmes ou même un début de jugement à propos de ce qui lui arrive, sinon pour réaliser qu'il est en train de se griller ou vient de se faire dominer en beauté.
Sang-Soo ne tombe pas trop dans les fantasmes triviaux sur l'élite dépravée et corrompue : il prend sa part mais a la sienne d'originalité. Néanmoins Do-nui mat reste une fantaisie un peu gratuite, ne prenant du gallon que dans la farce au fur et à mesure que les images défilent. Par conséquent le film est probablement trop long et manque de chair, de ligne de force. Il est émaillé de petites choses et d'anecdotes croustillantes, aux enchaînements cohérents dans la mesure où les urgences déviantes l'emportent sur la psychologie normale. On dirait un peu du De Palma aguicheur mais méchamment alourdi (plutôt celui de Passion ou Femme fatale).
Sang-Soo excelle dans la gaudriole sophistiquée mais tend à la répétition et souffre du manque d'ambition derrière l'artificialité de principe. Il devient prisonnier de sa foire et gavé par toutes ses ressources un peu comme ses affreux riches méchants. À défaut il dirige un super-soap scabreux, avec décors et costumes somptueux, techniques de maîtres malgré les mouvements de reculs et l'ironie, puis surtout casting en grande forme. Yoon Yeo-Jung, vieille bonne de Housemaid promue matriarche sordide et omnipotente, domine la concurrence à tous points de vue. Sauf sur le plan de l'attractivité, qu'elle n'a qu'a forcer, d'où le viol féminin, qu'il s'agit seulement pour Sang-Soo de rendre pittoresque.
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Créée
le 4 mars 2016
Critique lue 488 fois
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