Le premier long métrage de Tran Anh Hung est une réussite totale, un vrai petit bijou du 7e art. Incroyable comme sa maîtrise de la mise en scène, d'une subtilité et d'une sobriété exemplaires, était à ce point mature, alors même qu'il s'agissait de ses débuts. La profondeur de champ est intelligemment utilisée, les mouvements de caméra sont irréprochables, le montage est parfait, la photographie jolie, les prises de vues inspirées...
Rien que pour ce qui est de son esthétique « L'Odeur de la Papaye Verte » mérite les applaudissements et indéniablement sa Caméra d'Or. Mais la forme n'est pas gratuite et sied parfaitement à l'histoire qui nous est contée, celle de l'asservissement des femmes au Vietnam, à travers les destins croisés d'une petite servante (lumineuse Man San Lu !), de sa maîtresse méprisée par son mari, et de la mère de cet époux irresponsable et instable. Il convient de souligner la finesse de la direction d'acteurs et des sentiments qui sont ainsi évoqués, faisant de « L'Odeur de la Papaye Verte » un film inoubliable, pudique et émouvant.
Mais plus encore, ce qui est marquant dans le cinéma de Tran Anh Hung c'est son talent pour stimuler les 5 sens : si le cinéma ne peut réellement en satisfaire que deux, le réalisateur franco-vietnamien parvient à suggérer à merveille l'odorat, le goût et le toucher. On retrouve à chaque fois dans ses films des scènes de cuisine, où l'on voit les personnages manipuler les aliments, réagir à leur aspect ou leur saveur, tout comme ils sont intrigués par la nature, représentée sous son aspect animal comme végétal.
Il n'est pas rare que la caméra de Tran Anh Hung se pose un instant face à un lézard, des sauterelles, une feuille qui ploie sous la pluie... Regarder « L'Odeur de la Papaye Verte » confine ainsi à l'émerveillement, à un enchantement de chaque instant, tant le réalisateur parvient à nous transmettre sa sensibilité ! Un très beau long métrage, que je recommande particulièrement.
Critique à retrouver sur mon blog ici.