L'Oeil sauvage par Maqroll
La caméra de Joseph Strick traque sans concessions l’Amérique profonde à travers le regard dérangeant de Judith, jeune femme fraîchement divorcée que la vie a meurtrie. La caméra surprend, étonne, innove et émerveille à chaque seconde, faisant de chaque plan une photo dans une recherche esthétique permanente et une inventivité sans cesse renouvelée. Le seul bémol (mais très léger) à mettre à cette œuvre est le refus d’utilisation du son direct. Un dialogue en voix off (celles de Judith et celle de sa conscience ?) monopolise tout le champ sonore et il est souvent très frustrant de ne pas entendre les paroles de Judith sortir de sa bouche même. Mais malgré ce défaut parfois exaspérant, ce film, courageux et inventif, possède des qualités formelles et humaines qui en font une œuvre mythique, une espèce de borne de l’histoire du cinéma et l’un des joyaux du cinéma américain indépendant à ses tout débuts, ce cinéma que Truffaut revendiquera tout de suite comme l’une de ses influences majeures.