Avant ses grands films d'animation auréolés de statut culte, Mamoru Oshii créé pendant de longues années un projet bien étrange, bien particulier. Tellement particulier que je me demande bien comment il a pu être bien reçu à l'époque. Il s'entiche du peintre Amano (connu pour Final Fantasy) et leur association accouchera d'un grand miracle.
S'il a bien quelque chose qui caractérise ce petit film d'animation de 1h10, c'est atmosphérique. Difficile de faire plus incroyable en terme de film lugubre, noir, tout centré sur l'ambiance, l'atmosphère lourde, contemplative, aussi sensible et poétique que mystérieuse et sombre.
Il n'y a quasiment pas de dialogues, les plans sont longs, très longs, le rythme est lancinant à souhait. Une sorte de requiem immersif d'un autre temps, puisque la Bible y est partout, que ce soit l'ange, le serpent, ou encore le fruit défendu, et la notion de déluge.
Outre les inspirations de tableau à l'infini, il y a là un dosage parfait entre un scénario épuré à l'extrême, une musique incroyable qui donne les frissons, et un dessin tout aussi exceptionnel de densité et d'une précision redoutable. La DA est du grand art : aussi repoussant que fascinante, on empreinte à du fantastique, du gothique, une ville noire sans âme, un monde obscur qui invite à l'imaginaire.
"Angel's Egg" de 85 est une réponse parfaite à plusieurs autres grands animateurs du studio Ghibli, privilégiant un long chemin obscur, noir, abstrait, expérimental, et difficile d'accès, avec un dernier souffle épique vertigineux.
Un grand classique de l'animation japonaise, qui met définitivement Oshii dans la place des créateurs japonais à suivre. La suite, on la connaît, il deviendra un des maîtres du genre.
Pour ce qui est des interprétations, il faut le voir pour comprendre ce qu'on veut.
Un bijou immanquable, subliment beau de tristesse, de mélancolie et de noirceur.