On frôle un oeuf sur dix...
Une œuvre singulière et étrange que ce Oshii presque trentenaire, ayant piqué ma curiosité aux détours d’une page d’Animeland —feu le fanzine— à l’âge de 15 ans. C’est à cette époque, comme je l’ai déjà mentionné sur Ninja Scroll, que certaines images se sont imprimées dans mon esprit de manière indélébile.
Amano, c’est cette mélancolie des traits, cette délicatesse dans le tracé des corps, des visages, des chevelures, des ornements et des vêtements ; si féminin, si émouvant, épuré, fin mais détaillé. La poésie des lignes au service de l’émotion, en somme.
Oshii quant à lui pose déjà les jalons d’une filmographie tournée vers la contemplation habitée d’une humanité transfigurée, au bord du gouffre, en quête de sens. Déjà, on sent toute la vacuité laissé par l’absence, ou la non présence d’un créateur, ayant livré à l’abandon les hommes et leur monde trop vaste, comme un légo oublié et renversé (je cite allègrement Bashung, si ça ne vous dérange pas).
Tenshi no tamago c’est un peu de symbolique biblique —sans la lourdeur d’un traitement puritain, servant beaucoup de poésie noire ; le tableau désespéré d’un monde post apocalyptique évoquant un enfer de désolation empruntant plus au mythe de Sisyphe qu’aux évangiles.
La rencontre de Oshii et de Amano. La profondeur du traitement et l’intensité émotionnelle du trait.
Et plus qu’une musique ; une bande sombre onirique.
Un tableau de rêves anxiogènes peuplé d’âmes moribondes, l’instinction du jour et de l’agitation passée. Juste des fenêtres ouvertes donnant sur des maisons vides et éteintes, et la nuit perpetuelle, le vent perpetuel, la solitude éternelle.
Chaque plan s’impose avec la puissance évocatrice d’un impressionnisme de cauchemar.
Et plus qu’une musique ; cette bande sombre onirique.
Et cette fillette, lunaire.
Seul luminaire.
(Burton, Elfman, vous étiez déjà surpassés en 1985)
Une œuvre singulière, à la beauté décalée, parfois opaque. Comme pour voir au travers d’une coquille d’œuf, il suffit de se concentrer sur la lumière cachée derrière.