Le soleil noir de la téléphonie
3ème Festival Sens Critique, 9/16
Ce court métrage commence comme un film de Tati : la pose insolite d’une cabine téléphonique sur une place surprend déjà par sa plastique : rouge éclatant, magnifié par des cadrages qui prolongent les tours en arrière-plan.
Vient ensuite le temps du gag, simplissime et épuré, qui semble puiser dans le film muet son parti pris : un homme ne peut plus sortir de cette cabine après avoir constaté que le téléphone ne marchait pas. La première partie du film (qui dure 35 minutes) compose sur cette partition unique : tenter de sortir, avec l’aide de l’extérieur que grossit un public de plus en plus nombreux et amusé.
[Spoils] Endormir le spectateur par un numéro de cirque : tel semble avoir été la stratégie du réalisateur. Soudain renouvelé, le récit prend un second souffle à partir du moment où la cabine est embarquée sur un camion. Les décors se succèdent, l’angoisse devient palpable et l’unité de lieu cède à une ville tentaculaire où les motifs de la cabine (les bus, les voitures, puis un cercueil) se multiplient, puis une nature de plus en plus inquiétante.
Le crescendo est absolument remarquable, et le passage d’un absurde ludique à une effroyable machine dénuée de sens fonctionne à merveille. La descente dans les entrailles de la terre, univers industriel et concentrationnaire, colore d’une intention qui ne sera jamais tout à fait explicitée un projet aussi monstrueux qu’il était amusant dans ses premiers instants.
Petite pépite sur la porosité entre l’humour et l’épouvante, La Cabina interroge les richesses ambiguës de l’insolite et la part anxiogène de la poésie lorsqu’elle contamine le réel.
Une très grande réussite.
Visible ici :
https://www.youtube.com/watch?v=CABpfvOgbjw